La Saint-Valentin n'est pas un jour férié (même si c'est le cas en 2010) et la législation du travail s'arrête à la vie privée. Mais droit social et code du travail doivent se soucier des centaines de milliers de salariés qui mêlent liens sentimentaux et professionnels.

Rien que parmi les artisans ou les commerçants, un petit million de personnes travaillent avec leur conjoint, estime le Régime social des Indépendants (RSI).

«L'archétype, c'est la femme du boulanger qui tient la caisse et peut faire jusqu'à 12 heures par jour», explique Jean-Philippe Naudon, directeur du recouvrement.

Depuis 2007, le conjoint collaborateur doit impérativement choisir un statut, «associé», «conjoint salarié» (il perçoit un salaire et cotise au régime général) ou «conjoint collaborateur» (l'entreprise ne verse pas de salaire mais cotise au RSI).

Auparavant, c'était facultatif et bien des époux travaillaient sous le régime de l'article 212 du Code civil, celui que lit le maire le jour du mariage et qui prévoit qu'ils se doivent assistance mutuelle.

Les conjoints, à 90% des femmes, n'étaient ni rémunérées, ni ne cotisaient et arrivaient sans retraite en fin de carrière.

«Le monsieur disait à son épouse: "Je suis là pour te protéger et la vente de l'entreprise sera là pour nous donner un complément de retraite". C'était vrai dans les années 1950 et 1970, mais avec les crises successives qui ont rendu difficiles la transmission des commerces et le phénomène du divorce, cela ne suffisait plus», souligne M. Naudon.

«Lors des entretiens sociaux avec les artisans, on ne fait pas du conseil matrimonial. On souligne qu'on peut s'aimer à la Saint-Valentin, sans être à l'abri du divorce. C'est d'autant plus important pour les pacsés que ceux-ci n'ont, en l'état actuel, pas droit à la pension de reversion», ajoute-t-il.

Pour les salariés du régime général, une étude citée par le professeur de droit du travail Christophe Radé (Bordeaux IV) estime que 12% des couples se seraient formés sur leur lieu de travail.

Mais «il en va des sentiments comme des autres aspects de la personnalité des salariés: l'employeur ne doit pas en principe les prendre en compte dans les décisions qu'il arrête les concernant», souligne-t-il dans la revue Droit social.

Impossible donc de reprocher à un salarié sa liaison avec son employeur, un autre salarié de l'entreprise ou avec un tiers. Les clauses de célibat ne sont pas plus admises.

A l'inverse, «les salariés sont astreints à un devoir de neutralité qui les oblige à laisser leurs relations amoureuses au vestiaire».

Le Code du travail prend toutefois en considération l'existence des liens amoureux, empêchant par exemple le salarié, conjoint de l'employeur, d'être candidat aux élections professionnelles.

La jurisprudence consacre la protection de la vie familiale en imposant à l'employeur de donner aux salariés, mariés ou pacsés de la même entreprise, leurs congés payés aux mêmes dates.

Quant aux disputes, une séparation ne peut constituer une cause de licenciement, sauf répercussions sur l'exécution du contrat de travail.

Pour certains employeurs, la protection des données confidentielles se complique lorsque le collaborateur partage l'oreiller avec le salarié d'un concurrent.

Chez Alstom à Belfort, où siège également le concurrent General Electric, la formation pour les nouveaux embauchés inclut un séminaire d'intelligence économique pour protéger les secrets de l'entreprise. Si le salarié a un doute sur quoi dire à son conjoint, il peut s'adresser à l'un des responsables «chargé de l'intégrité».