Le chef Jean-Louis Thémis enseigne à l'Institut de tourisme et d'hôtellerie, à Montréal. Il commence parfois son cours en demandant à ses élèves ce qu'ils ont mangé la veille. C'est un bon point de départ pour une discussion sur l'alimentation.

Il a fait le même exercice avec ses élèves à Madagascar. «Il y a eu un silence dans la salle, raconte Thémis. Parce que personne n'avait mangé. Rien mangé.»

Jean-Louis Thémis en avait assez de voir l'extrême pauvreté à la télévision.

Il a voulu faire quelque chose pour la combattre et a décidé d'utiliser sa meilleure arme, la cuisine. Le chef québécois, aux origines malgaches, a fondé Cuisiniers sans frontières en 2003. Il s'est rendu à Madagascar avec ses louches et ses couteaux, a recruté ses élèves directement dans la rue, s'est trouvé un petit local et leur a enseigné les rudiments de la cuisine. Il y est retourné chaque année depuis, en finançant ses activités par des campagnes trop confidentielles.

Des chefs professionnels participent au projet.

L'une des premières activités d'un nouveau groupe d'élèves de Cuisiniers sans frontières est la sortie au restaurant, puisque la plupart des recrues n'ont jamais mis les pieds dans une institution digne de ce nom. «On leur trouve des vêtements et on s'arrange avec le propriétaire, raconte Jean-Louis Thémis. Il faut qu'ils comprennent ce qu'est une entrée, un plat principal, le service.»

L'école de Cuisiniers sans frontières compte maintenant 83 «diplômés» et affiche un taux de placement de 60%.

Ce sont des gens qui ont quitté la rue pour travailler en cuisine. Que ce soit dans un hôtel, pour un particulier ou même à leur compte. Une femme a ouvert un petit restaurant où elle sert des spécialités de chauve-souris et de hérisson, raconte Thémis.

« Je crois vraiment qu'on peut enrayer la pauvreté avec la bouffe», prétend le chef, qui regarde maintenant vers le Bénin pour étendre ses activités. «Notre philosophie est de donner la canne à pêche à des personnes qui veulent s'en sortir, mais qui n'ont pas les moyens de le faire.»