Êtes-vous de ceux qui tremblent à l'idée d'avoir peur? Vous êtes sûrement phobophobe... une personne qui a peur d'avoir peur!

Si à l'Halloween, les ruelles sombres, les chats noirs, les chauves-souris et les déguisements sordides vous donnent des sueurs froides, il s'agit là peut-être tout simplement d'une phobie ou d'un trouble panique non diagnostiqué. «Il suffit généralement d'une crise de panique pour que les gens commencent à redouter la peur. Ils commencent à avoir peur d'avoir peur et se mettent à éviter les sources de stress : métro, foules, etc.», explique la psychologue France Slako.

Cette névrose d'angoisse se dote généralement de complications, dont la plus courante est l'agoraphobie, la peur des endroits publics. Elle peut contaminer la vie quotidienne empêchant la personne qui en est atteinte de poursuivre des études ou une profession en l'isolant peu à peu. «C'est généralement à ce moment que les gens consultent. Les troubles de l'anxiété, c'est la raison la plus fréquente des consultations psychologiques», affirme la spécialiste.

L'organisme Phobie-Zéro estime que près de 5 % de la population en souffrirait, et de 20 à 30 % des jeunes adultes. Sans compter ceux qui développent de l'anxiété généralisée ou diverses phobies qui viennent tout aussi efficacement leur gâcher la vie.

Un enchaînement de réactions

Chair de poule, claquement des dents, accélération cardiaque, la peur résulte d'un conditionnement physiologique. En présence d'un danger - ou ce qu'on interprète comme tel -, les sens communiquent un signal à notre système nerveux autonome. Il prépare alors le corps en libérant deux hormones, l'adrénaline et le cortisol. Produites par les glandes surrénales, ces hormones permettent d'adopter une parfaite stratégie de survie : la fuite ou l'attaque. On observe aussi une augmentation des battements cardiaques, de la ventilation, de la sudation, de l'irrigation sanguine vers les muscles et un arrêt de la digestion.

Ce mécanisme naturel de défense engendre un état d'alarme, mais aussi parfois des engourdissements, une vision embrouillée, de la dépersonnalisation. Des troubles qui inquiéteront les personnes angoissées. «Elles auront l'impression d'étouffer, de s'évanouir ou pire. Ce qui augmentera leur angoisse et relancera le système d'alarme. Cela peut être très pénible, mais en aucun cas mortel», précise Mme Slako. Cette psychologue, qui pratique l'approche cognitive comportementale, commence d'ailleurs par expliquer à ses patients comment fonctionne le corps quand surgit la peur. Savoir ce qui se produit quand on a peur s'avère la première étape pour confronter ses peurs.

La peur est un signal d'alarme essentiel à notre survie. «C'est une émotion importante que l'on doit accepter comme faisant partie de notre vie», soutient Michel Boileau, l'auteur du livre La peur, une alliée possible. Pour ce thérapeute en relation d'aide, cette peur est à la fois universelle et éminemment personnelle. Il s'avère nécessaire de l'accepter et de la confronter pour vivre une vie pleine et entière.

Vaincre sa peur

Avoir peur n'est pas manquer de courage. «La personne courageuse connaît sa peur, l'accepte et la confronte. Pour vivre pleinement, il ne faut pas se couper de ses peurs. Les risques peuvent être réels ou imaginaires, la peur nous informe toujours sur nous-mêmes», soutient le thérapeute.

Une famille trop protectrice, une hypersensibilité, des expériences personnelles, différents facteurs contribuent à nourrir la peur des gens. Tout comme la grande exposition aux informations, de la télévision à l'Internet. «Si vous regardez un reportage sur les acariens, cela vous empêchera peut-être de dormir. C'est sûr que cela nourrit le problème», convient la psychologue. Elle pense d'ailleurs que notre société a remplacé les dangers physiques comme celui de l'ours, par ceux qui touchent à notre intégrité psychique et mentale, par exemple la peur de l'échec ou du jugement.

Pourtant lorsqu'on vit au quotidien avec la peur et que l'on n'arrive pas à la surmonter, il ne faut pas hésiter à aller chercher de l'aide. Car il n'est pas rare que ceux qui vivent des troubles de panique se retrouvent à l'urgence. «Ce sera comme un cercle vicieux, toujours plus grand qui finira par isoler la personne avec ses peurs», insiste-t-elle.

Éliminer les sources de stress peut aider à prévenir les angoisses, mais aussi, pour certains, la pratique du sport (particulièrement le yoga), du chant et des arts plastiques peut être bénéfique. Sans compter l'humour : rire de ses peurs s'avère souvent un formidable antidote.

Prendre le mal à la racine

«Les gens ne veulent tellement pas avoir peur qu'ils y pensent tout le temps», explique la psychologue France Slako. Après avoir informé ses patients des réactions physiologiques présentes en cas de peur, elle plonge littéralement ceux qui ont peur d'avoir peur à la source de leur angoisse.

C'est l'approche cognitive comportementale. «Je les expose aux sensations qu'ils redoutent : étourdissement, hyperventilation, etc. Puis je les amène à reconquérir ce que les effraie. Si c'est d'aller dans le métro, nous allons d'abord descendre les marches ensemble, puis seul. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai traversé le pont Champlain», s'exclame-t-elle. Ce processus, très progressif avec de nombreux doutes et rechutes, conduit presque tous les patients vers la libération de leurs angoisses.