Parce qu'elles ne peuvent se regarder dans le miroir sans broncher, plusieurs femmes décident de passer sur la table d'opération. Le but ? Corriger ces «imperfections» qui leur gâchent la vie. Même fortement souhaitée, la chirurgie déclenche inévitablement un tourbillon d'émotions. La Presse a suivi une patiente dans sa démarche.

Il est 6 h 15. Dans une heure, Catherine Ferland, 42 ans, sera étendue sur une table d'opération. Pour 10 000 $, elle subira une abdominoplastie, une liposuccion des flancs et une augmentation mammaire. On appelle cette populaire intervention «le trio». «Je suis plutôt calme, mais j'ai mal au coeur», confie-t-elle.

En voiture vers la clinique, elle ne peut s'empêcher de parler. En sourdine, on entend la voix de Paul Arcand à la radio. Au volant, son conjoint Serge a l'air préoccupé. Elle lui caresse la cuisse. «Ça va bien aller, je vais avoir un beau corps tout neuf», le rassure-t-elle en souriant.

Catherine a commencé à détester son ventre il y a une douzaine d'années, après deux grossesses. «Mon ancien conjoint me répétait que j'étais grosse et non désirable. Mon estime personnelle était à zéro.» Lors de sa séparation, elle a perdu 25 livres, mais sa peau est toujours flasque. «Quand je vais à la toilette, ma bedaine pend sur mes cuisses. Ça me dérange beaucoup.»

Et la poitrine ? «Tant qu'à y être, je veux que mes seins retrouvent leur galbe. Ils sont beaux, mais un peu tombants. Je vais enfin pouvoir porter des robes d'été.» Un premier chirurgien a refusé de l'opérer. «Vos seins sont beaux au naturel», lui avait-il dit. Mais l'idée avait fait son chemin.

Commis comptable, Catherine a économisé pendant cinq ans pour s'offrir ce luxueux cadeau. Son amoureux lui répète souvent qu'il l'aime comme elle est. «Je le fais pour moi, c'est une décision mûrie. Je serai mieux dans ma peau, confie-t-elle. J'ai pensé aux risques, mais je n'ai pas peur d'y rester. S'il y a une infection, on finit toujours par en guérir, non ?»

Il y a quelques jours, elle a néanmoins douté. Elle a serré Serge très fort dans ses bras. «S'il m'arrive quelque chose, vas-tu t'occuper de moi jusqu'au bout ?» lui a-t-elle demandé. Pendant quelques nuits, elle a fait de l'insomnie. Ce matin, ses craintes se sont envolées et elle n'a aucune envie de rebrousser chemin.

Vêtue d'une jaquette bleue, Catherine attend impatiemment dans une petite salle au décor soigné. Tendue, elle prend de grandes respirations. Assise dans un fauteuil de cuir, elle signe quelques papiers. L'infirmière prend ses signes vitaux, avant que le chirurgien ne vienne dessiner des pointillés sur son ventre. Il lui explique au fur et à mesure : «on va aspirer la graisse un peu ici, on va retendre les muscles là.» Tout se déroule rapidement.

Après avoir chaudement étreint Serge, Catherine disparaît dans la salle d'opération. Elle en ressortira quatre heures plus tard.

En plein essor

Depuis 10 ans, la chirurgie esthétique connaît un véritable boom. L'an dernier, 10,2 millions d'interventions cosmétiques ont été réalisées aux États-Unis. Selon l'American Society for Aesthetic Plastic Surgery, le nombre de chirurgies esthétiques a fait un bond de 82 % depuis 1997, tandis que les traitements non chirurgicaux (qui comptent pour 83 % de toutes les interventions esthétiques) ont augmenté de 233 %. Bien que les statistiques soient inexistantes pour le Québec, on suppose que la tendance est ici la même.

La chirurgie la plus populaire ? L'augmentation mammaire. L'an dernier, 355 671 Américaines y ont eu recours, soit 251,5 % de plus qu'en 1997. C'est toutefois l'abdominoplastie qui connaît l'essor le plus fulgurant : 147 392 personnes sont passées sous le bistouri en 2008, soit 333,5 % de plus qu'il y a dix ans.

«C'est la mode, on préfère aujourd'hui les courbes voluptueuses», note le docteur Richard Lapointe, chirurgien esthétique. Dans sa clinique, on consulte surtout pour des augmentations mammaires et, de plus en plus, pour des abdominoplastie. Selon lui, les femmes n'acceptent plus les transformations de leur corps après la grossesse. «On ne voyait pas ça avant. Dans les médias, on expose de plus en plus des canons de beauté qui ont des enfants et un corps parfait.»

«On voue un culte à la beauté et à la jeunesse. La demande est là parce que les résultats sont là, avance le docteur Eric Bensimon, porte-parole de l'Association des spécialistes en chirurgie esthétique et plastique du Québec. On veut se sentir beau et bien dans notre peau. On vit plus longtemps, la chirurgie n'est plus un investissement farfelu.»

Souffrir pour être belle

Confuse, Catherine porte difficilement un verre d'eau à sa bouche. «On l'a gardée plus longtemps en salle de réveil, elle était trop nauséeuse», explique l'infirmière. «As-tu mal ?», lui demande Serge. «Ça commence», répond-t-elle, les yeux clos. Avec une débarbouillette, il lui frotte tendrement le visage.

Quelques cliniques privées gardent les patients sous observation pendant 24 h. Pas ici. De retour à la maison, Catherine dormira jusqu'au lendemain. Pendant quelques jours, elle sortira à peine de sa chambre. «Ça a été plus difficile que je pensais. Je faisais quelques pas pour aller à la toilette et je retournais me coucher. J'avais des nausées intenses et j'avais très mal au ventre. Sous ma gaine, je voyais que ça saignait beaucoup», confie-t-elle, une semaine après l'opération.

Elle est encore faible, enflée et courbée. Son dos la fait beaucoup souffrir. «J'espère que je serai droite pour mon retour au bureau la semaine prochaine.» Elle ne veut surtout pas qu'on sache.

Le jeu en vaut la chandelle, dit-elle, même si le résultat n'est pas comme dans ses rêves. «J'ai le ventre plat et ma cicatrice est fine et belle. Mais quand j'ai vu mes seins, j'ai été déçue, c'était boursouflé et allongé. Le médecin m'a expliqué que ça peut prendre deux à trois mois avant d'avoir un beau résultat, les prothèses doivent se placer. En attendant, j'ai l'impression que mes seins ne m'appartiennent plus.»

L'inquiétude sera de courte durée. Un mois après l'opération, Catherine est enchantée. «Mes seins sont vraiment beaux, gros, bien hauts et ronds. Ça tient tout seul ! La vie est belle et, enfin, moi aussi.»

Note - Les noms de certaines personnes citées dans ce reportage ont été changés pour préserver leur anonymat.