«Monsieur, est-ce que je pourrais atterrir en hélicoptère?»

Élise Gervais, âgée de 17 ans, a entendu poser cette question à son directeur en début d'année. Ç'a été non. Le terrain de l'école n'était pas adapté pour cela.Élise, elle, n'embarque pas dans le jeu de l'hélico ou de la limo toujours plus grosse, ni dans la quête du sac à main griffé. Pas plus que son amie Chloée, dite la miraculée! «Je connais au moins six filles dont les robes sont de la même couleur et presque pareilles!»

Pour avoir participé aux séances de magasinage de ses copines, Francis Corbel-Savage retient, lui, que «les filles pensent que plus elles paieront cher leur sac à main, plus elles auront de chance de ne voir personne d'autre avoir le même qu'elles».

Élise et Chloée ont décidé, elles, de participer au concours «Je m'emballe autrement», organisé par Environnement Jeunesse. Les règles du concours: confectionner elles-mêmes leur robe, dépenser un maximum de 100$ et utiliser un minimum de 80% de matières recyclées.

Chloée-la-miraculée, pour d'évidentes raisons, a fini sa robe sur le tard et n'a pas pu participer au défilé de mode organisé à la fin du concours. Élise s'est rendue à la finale du concours et, pour elle, cela comptait presque autant que le bal lui-même.

Pour Amir (nom fictif), qui est fou de mode et qui a participé au concours en confectionnant une robe pour une copine, l'événement était d'autant plus important qu'il ne va pas au bal. «Je suis musulman, je ne bois pas et en plus, je suis du genre solitaire. Je ne crois pas à ça, moi, le bal. Je suis sûr qu'après quelques heures, j'aurais juste eu envie de rentrer.»

Il s'est inscrit au concours à l'insu de sa mère, comme il s'est inscrit au Collège LaSalle en design de mode sans le lui dire. «Elle ne serait pas du tout d'accord de me voir me diriger dans ce domaine-là», avance-t-il.

Stéphane Callens, enseignante d'arts plastiques à l'école Évangéline, a elle aussi encouragé ses élèves à participer au concours «Je m'emballe autrement». Parce qu'elle est écolo, parce qu'elle trouve ridicule cette course folle à la dépense, surtout dans une école où les élèves ne roulent pas tous sur l'or.

Parmi les participantes de son école, dit-elle, «il y avait deux adolescentes voilées. L'une d'elles a fait défiler sa soeur, qui portait un chandail à manches longues sous la robe. J'ai trouvé vraiment bien qu'elles participent aussi au concours».

Au Collège Laval, c'est Catherine Lemay, animatrice de vie spirituelle et d'engagement communautaire, qui a incité les jeunes à se lancer dans la couture. «Trop de filles agissent comme s'il s'agissait de leur mariage. Ce qu'elles ne réalisent pas, c'est que peu importe l'argent qu'elles y dépenseront, des clous de la soirée, des filles aussi chic qu'elles, il y en aura 200 ou 300!»

C'est une pression ridicule à se mettre sur les épaules, croit Élise, d'autant plus que de la pression incontournable, au bal, il y en a déjà assez comme ça. «Je connais plein de jeunes qui angoissent parce que leurs parents, qui sont séparés, ont tous les deux dû être invités au bal. Comme, dans plusieurs cas, ils ne se parlent plus depuis des années, mes amis craignent que ça crée un malaise, un méchant gros malaise.»

Le bal, c'est comme on vous disait, une presque noce...