Assis les jambes croisées sur le boulevard de front de mer à La Havane, sa minceur masculine soulignée par une robe rouge très ajustée, «Malu» rêve de chirurgie depuis que les opérations de changement de sexe sont autorisées à Cuba.

«J'espère que ça va marcher. Je me sens femme, mais comment le montrer à un homme si j'ai un pénis devant?», raconte à l'AFP avec un sourire malicieux ce jeune homme de 25 ans.«Malu» est suivi depuis neuf mois par des médecins et psychologues qui doivent décider s'il est apte à subir une opération de changement de sexe.

La sexologue Mariela Castro, fille du président Raul et nièce du Père de la Révolution cubaine Fidel Castro, a annoncé cette semaine qu'avaient commencé «les chirurgies de réattribution sexuelle complète pour les personnes qui remplissent les critères de santé».

Et ce, vingt ans après que l'île communiste eut procédé à sa première et unique chirurgie réussie sur un homme. Les choses en étaient restées là en raison du tollé qu'avait alors suscité cette opération dans un pays connu pour son machisme et qui expédiait les homosexuels dans des camps de travail dans les années 1960 et 1970.

A l'initiative du Centre national d'éducation sexuelle (Cenesex) que dirige Mariela Castro, le ministère de la Santé avait donné en juin 2008 son aval pour les chirurgies de changement de sexe dont pourraient bénéficier 19 personnes transsexuelles sur les 28 que compte actuellement et officiellement le pays.

Ces opérations sont effectuées gratuitement par une équipe médicale cubaine qui a reçu une formation auprès de spécialistes européens.

Angeli Bravo, 41 ans, espère bénéficier d'une telle opération après avoir reçu le feu vert des médecins et psychologues cubains dont les examens durent deux ans. «Je suis une femme dans tous les sens du mot», dit Angeli en montrant fièrement son nom de femme inscrit sur son carnet d'identité.

Yoaris Scull, 23 ans, travaille le jour comme préposé dans une pharmacie et la nuit comme artiste dans un spectacle de travestis. Il vit avec son petit ami, un balayeur de rue de 25 ans.

«Si on m'opère, ce qui lui plairait le plus c'est qu'il me pousse des seins, j'espère de taille 36», dit Yoaris, qui porte une tignasse rousse.

«Nous sommes amoureux. Nous formons un joli couple mais il se sent triste quand on nous voit ensemble et qu'on nous dit des grossièretés».

Et comme pour lui donner raison, un jeune homme lui crie par la fenêtre ouverte d'un autobus: «Putain! Effronté!».

Même si l'homophobie n'est plus ce qu'elle était à Cuba, Mariela Castro reconnaît qu'«il faut encore continuer à éduquer les gens». «Il y a des gens qui acceptent, d'autres non», a-t-elle dit lors d'une brève manifestation organisée il y a une semaine à La Havane dans le cadre de la journée contre l'homophobie.

Mais Yalorde, 23 ans, regrette que «Mariela dise une chose et que la police en fasse une autre, soit des rafles et des persécutions».

«Il y a encore de l'homophobie et nous devons y faire face. Changer de sexe, c'est très sérieux, ce n'est pas une mode. Nous voulons nous épanouir comme personne et nous intégrer à la société», dit Angeli.

Pour l'Eglise catholique cubaine qui s'est considérablement rapprochée du pouvoir cubain ces dernières années, Cuba «a touché le fond» en autorisant les opérations de changement de sexe.

«Nous sommes hommes ou nous sommes femmes. Chacun doit apprendre à vivre avec la nature que Dieu lui a donnée», a déclaré à l'AFP le président de la Conférence épiscopale, Dionisio Garcia.

Malu croit lui que «Dieu devrait respecter» sa façon d'être. «Je ne fais de mal à personne. Je veux juste avoir une vie stable et tranquille en couple».