Pourquoi tant de gens sont-ils superstitieux? Les psychologues font de nombreuses recherches sur le sujet. Il pourrait s'agir d'une manière de diminuer le stress devant des situations sur lesquelles on n'a aucun contrôle, ou alors des symptômes de problèmes dépressifs ou auditifs. D'autres avancent que la superstition engendre elle-même les preuves dont elle a besoin, parce que les gens anxieux sont plus susceptibles de faire des gaffes.

On a souvent associé superstition et ignorance. Pour Jennifer Whitson, l'adage est en partie vrai. Mais plutôt que d'ignorance, la psychologue de l'Université du Texas préfère parler de «situations hors de notre contrôle».

 

Dans une étude publiée l'automne dernier par la revue Science, elle a prouvé que subir des inconvénients de façon inopinée cause une augmentation de la superstition. «Ça fait un certain temps que le lien était suggéré, mais personne n'avait trouvé comment le vérifier», dit-elle en entrevue téléphonique.

Les superstitions, comme la croyance que le vendredi 13 porte malchance, sont utiles jusqu'à un certain point, dit Mme Whitson. «Quand il nous arrive un accident ou une malchance, souvent nous ne pouvons rien y faire. C'est de la malchance, des situations indépendantes de notre volonté. Or, les choses que nous ne contrôlons pas sont extrêmement stressantes. Limiter ce stress, en attribuant des événements fortuits à un acte ou à une journée associée à la malchance, permet d'être en meilleure santé.»

Par contre, quand il existe des manières de contrôler sa vie, se fier trop à la superstition est contre-productif. «Si on décide de ne pas sortir dehors un vendredi 13, on sort de la simple limitation du stress. De même, si on base ses choix de conjoints sur l'astrologie plutôt que sur ses émotions, on est perdant.»

Avec son coauteur Adam Galinsky, de l'Université Northwestern à Chicago, Mme Whitson a conçu six expériences pour vérifier le lien entre superstition et contrôle. Dans l'une d'entre elles, la moitié des cobayes devaient faire des exercices insolubles, puis recevaient une évaluation sans lien avec l'exercice; par la suite, on leur présentait des images semblables à la neige à la télévision. Ils étaient beaucoup plus susceptibles de «voir» des objets cachés dans la neige que les cobayes qui avaient fait des exercices compréhensibles.

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Quand la superstition mène à la malchance 

Un psychiatre américain a avancé en 2002 que les femmes ont 60% plus de risques de faire un accident d'auto un vendredi 13 parce qu'elles sont nerveuses parce que superstitieuses. Depuis, un autre chercheur a refait son analyse avec des données finlandaises et n'a pas trouvé d'augmentation des risques. Mais d'autres chercheurs ont tenté de vérifier dans d'autres domaines si la croyance en la malchance du vendredi 13 est due à l'anxiété que crée cette superstition. Le lien ne tient pas pour ce qui est des hémorragies suivant une amygdalectomie, mais les sportifs semblent connaître réellement plus de mauvaises performances quand ils ont l'impression d'être malchanceux à cause du jour du calendrier, ou parce qu'ils ont croisé un chat noir.  

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Hallucinations auditives

Les gens qui ont une ouïe très fine sont plus susceptibles de croire à la magie et à la malchance, selon une étude française publiée en novembre dans la revue médicale Cortex. Les chercheurs du CNRS avancent que les gens qui entendent parfois des sons que personne d'autre ne perçoit peuvent être sans s'en rendre compte poussés vers la superstition.

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La dépression porte malchance

Les dépressifs sont plus susceptibles de croire à la chance et au vendredi 13, selon un nombre grandissant d'études. L'an dernier, des psychologues suédois ont découvert que les gens qui aiment les jeux de hasard ont plus de risques de dépression et ont plus fréquemment des croyances irrationnelles. Le jeu compulsif est justement un problème de perception erronée liée au fait que l'on peut «contrôler» des jeux de hasard.

(Source: Medline)