Une odeur de croquettes se mêle aux effluves de poils de chien mouillé: à la banque alimentaire des animaux domestiques à Berlin, chiens et chats font la queue tous les samedis.

Un Jack Russell est emmitouflé dans un blouson canin à carreaux. Décemment maquillée, sa maîtresse en tailleur ne laisse aucunement transparaître d'éventuelles difficultés financières.

Et pourtant c'est bien ici, à Treptow, un quartier du sud-est berlinois que retraités et chômeurs de longue durée entraînés dans la précarité peuvent venir chercher gratuitement de la nourriture pour leur animal de compagnie.

Depuis la mi-octobre, un centre de distribution d'aide alimentaire pour animaux domestiques a ouvert ses portes dans la capitale allemande, qui compte 100 000 chiens et où le taux de chômage avoisine les 13%.

«Nous avons déjà enregistré presque 400 personnes. Et peu à peu, les réserves s'épuisent. Nous n'avons pu fournir aujourd'hui qu'une seule boîte d'aliments pour chats à chaque demandeur», s'alarme Jeannine Raasch, directrice de l'antenne berlinoise de l'initiative «Tiertafel».

Chaque samedi, chiens, chats, lapins, cochons d'Inde ou perruches sont approvisionnés par les douze bénévoles chargés aussi de prodiguer des conseils sur la santé des bêtes et de surveiller leur état. Les rations, données par des particuliers et des fabricants de nourriture pour animaux, suffisent pour quatre ou cinq jours.

Deux ans après sa fondation en octobre 2006 par une informaticienne allemande, Claudia Hollm, l'association «Tiertafel» gère 19 bureaux de distribution dans tout le pays et prévoit d'en ouvrir 30 autres.

Propriétaire de trois chiens, Mme Hollm avait lancé cette initiative après avoir vu, dans un reportage télévisé, un père de famille contraint d'abandonner son chien dans un chenil après avoir été mis au chômage.

«Le chien ne savait pas ce qui lui arrivait, toute la famille était triste. Il est injuste que des animaux doivent quitter leur foyer parce qu'il manque 30 ou 40 euros», raconte-t-elle.

«Tous les jours, nous voyons des gens qui ne peuvent plus garder leur animal de compagnie pour des raisons financières», constate de son côté Evamarie König, porte-parole de la fourrière berlinoise (Berliner Tierheim). Dans ce refuge qui recueille plus de 10 000 bêtes chaque année, près d'un animal sur trois est déposé parce que ses maîtres n'ont plus les moyens de subvenir à ses besoins, selon elle.

La première fois, les «clients», comme les surnomme l'organisation, doivent impérativement se présenter avec leur animal. Ils doivent à chaque fois attester de leur situation défavorisée, en montrant leur feuille d'allocations chômage ou retraite et apporter soit le carnet de vaccination de leur compagnon à quatre pattes ou des factures du vétérinaire.

«Il est facile de passer du statut de travailleur au salaire moyen à celui de Hartz IV», catégorie des chômeurs de longue durée qui reçoivent plus qu'une indemnité d'environ 350 euros mensuels, fait remarquer Mme Hollm qui accueille dans ses relais d'anciens banquiers et professeurs.

La pauvreté isole et, selon elle, «la moitié de nos clients sont des personnes âgées pour qui leur chat ou leur chien représente leur dernière attache sociale».

«Nous avons vite remarqué que cela ne suffit pas de glisser une boîte de pâtée sur le comptoir». Ouvertes tout au long de l'année, ces cantines ne sont pas seulement un coup de pouce pour passer l'hiver mais aussi un lieu de prévention, où sont proposés divers accessoires.

À l'approche de Noël, l'association lance d'ailleurs un appel aux dons pour pouvoir déposer oreilles de cochons, os, souris en peluches ou griffoirs au pied des sapins de chaque centre de «Tiertafel».