Max Steinbaur avait 94 ans lorsqu'il s'est suicidé le 12 novembre en Allemagne. Comme lui, de plus en plus d'Européens âgés passent à l'acte alors même que les chiffres du suicide se tassent.

Dans la plupart des pays industrialisés, le taux de suicide augmente avec l'âge et c'est parmi les plus de 60 ans qu'il est le plus élevé, selon les statistiques mondiales.Ce taux atteint un pic chez les hommes de plus de 75 ans, pour lequel il est environ deux fois supérieur à la moyenne nationale en Allemagne comme en France, Suisse, Belgique, et en Autriche.

En Allemagne «le taux de suicide des plus de 60 ans était déjà haut il y a trente ans et la courbe n'a cessé de monter», constate l'universitaire Christine Swientek, auteure de «Dernière issue: le suicide». Le nombre total de suicides dans ce pays a, lui, été quasiment divisé par deux depuis 1980.

Pour en finir, le nonagénaire Max Steinbaur s'est fait aider par un ardent défenseur de l'euthanasie, Roger Kusch. Moyennant 8.000 euros, cet ancien ministre de la Justice de la ville de Hambourg (nord) reconverti dans «l'accompagnement au suicide» prodigue des conseils et du soutien pour aider autrui à passer à trépas.

«Je fournis une prestation de service, elle a une valeur, et dans notre société ce n'est pas gratuit», dit-il à l'AFP.

Son initiative a suscité une vive polémique en Allemagne, où l'euthanasie est punie par la loi si elle est active. Notamment parce que M. Kusch diffuse sur internet des lettres et vidéos de ses entretiens avec ses clients, où ceux-ci justifient leur geste.

Max Steinbaur a été le troisième, après deux femmes de 79 et 84 ans décédées en juin et en octobre. Le vieil homme souffrait de diverses douleurs physiques et d'incontinence et en avait assez d'être «sur une pente constamment descendante», explique Roger Kusch.

Dépression, douleurs physiques incurables, isolement, peur de la déchéance physique ou morale, ras-le-bol d'une vie qui s'étire en longueur, voire décès de l'animal de compagnie, les causes qui poussent des personnes âgées à se suicider sont multiples, assure Mme Swientek, selon qui l'idée «plutôt mort qu'en maison de retraite» ne cesse de gagner du terrain.

D'autres spécialistes mettent eux en avant la pression morale de la société sur le troisième âge, parfois considéré comme un fardeau.

«Certaines personnes âgées viennent me voir juste parce qu'elles en ont assez de vivre», témoigne Roger Kusch.

«Les gens aujourd'hui vivent de plus en plus vieux grâce aux progrès de la médecine. Le sentiment de non-sens croît. De plus en plus d'octogénaires et plus se demandent à quoi bon continuer à vivre», ajoute-t-il.

Il affirme avoir «plus d'une centaine» de candidats «vraiment sérieux», dont plus des deux tiers ont plus de 70 ans.

Près de la moitié des suicidés recensés en 2007 en Allemagne avaient plus de 60 ans (3.993 sur un total de 9.402), alors que cette tranche d'âge ne représente qu'un quart de la population. En France, sur 12.000 suicides par an environ, un tiers concerne les plus de 60 ans.

Les chiffres officiels sont toutefois loin de refléter le nombre réel de suicides de personnes âgées car les médecins de famille passent souvent sous silence les suicides présumés de patients âgés, relève Christine Swientek. Ils constatent simplement un «arrêt cardiaque» afin d'épargner la famille, par égard pour le qu'en-dira-t-on, pour éviter une autopsie ou des tracasseries administratives.

En juillet le Bundesrat, où sont représentés les Länder (régions), a approuvé une résolution demandant que l'assistance organisée ou commerciale au suicide telle qu'elle se pratique en Suisse soit punie par la loi. L'affaire est en suspens au parlement. Roger Kusch promet qu'il saura «s'adapter».