En ce début de ramadan, une pratique musulmane chiite retient l'attention en Grande-Bretagne. Un tribunal de Manchester a tranché que les jeunes de 16 ans et moins, consentants ou non, ne pourront plus se flageller jusqu'au sang au cours de la fête religieuse de l'Achoura.

Père de famille, religieux, Syed Zaidi a été reconnu coupable de cruauté envers deux garçons la semaine dernière à Manchester. Son crime ? Les avoir poussés à se flageller au cours d'une cérémonie traditionnelle chiite en janvier dernier.

Syed Zaidi avait en effet forcé deux garçons de 13 et 15 ans à se flageller avec une sorte de martinet doté de cinq lames à l'occasion de l'Achoura. Lors de cette fête religieuse – presque aussi importante que le ramadan qui vient de débuter –, certains chiites commémorent le massacre du petit-fils du prophète Mohammed, Hussein, en se fouettant jusqu'au sang.

Pendant toute la durée du procès, l'homme de 44 ans a soutenu que cette pratique controversée faisait partie de la religion des deux garçons et qu'on ne pouvait l'interdire. Le jury en a décidé autrement. Syed Zaidi encourt désormais une peine de prison allant de 2 à 10 ans.

Après s'être lui-même flagellé jusqu'au sang, Syed Zaidi avait lavé les lames de son martinet (appelé «zanjeer zani») afin que les adolescents l'imitent. Durant le procès, le plus jeune des garçons a admis «vouloir le faire», mais pas sous la contrainte ni avec des lames.

Même s'il n'est pas rare que des adolescents se fouettent à l'occasion de l'Achoura en Grande-Bretagne, c'est la première fois qu'une telle cause est entendue devant les tribunaux. «Il y a eu une plainte cette fois, a expliqué un porte-parole de la Couronne britannique à La Presse. La mère des deux enfants a déposé une plainte auprès de la police qui a fait enquête».

Selon les lois britanniques, les adultes doivent protéger les enfants de tous dangers, même contre leur gré. Les responsables du centre chiite de Manchester où se déroulait la cérémonie avaient d'ailleurs tenté de dissuader Syed Zaidi.

Qui plus est, cette pratique est loin de faire l'unanimité, même parmi les chiites. «L'Achoura, c'est d'abord l'occasion de commémorer la mort de Hussein, rappelle Muhammad Amin-Evans, de l'Institut Al-Mahdi de Birmingham. Le deuil est central à notre pensée, pas les lames du «zanjeer zani». La façon d'exprimer le deuil est un choix personnel», assure l'homme qui prépare un guide du chiisme, une des principales branches de l'islam.

«On ne peut pas interdire la pratique, mais il n'existe pas de preuves pour l'encourager non plus», poursuit-il. Lui-même ne s'est jamais flagellé. «Je fais plutôt un don de sang lors de l'Achoura», précise-t-il.

Populaire au Punjab et au Liban, la flagellation jusqu'au sang pour l'Achoura est même interdite en Iran, terre centrale de l'islam chiite. La raison ? «Même si cela ne créait généralement que des égratignures sans conséquence, cela donnait une mauvaise image du chiisme et de l'islam, précise Muhammad Amin-Evans. Les spectateurs ne comprenaient pas le message derrière cette pratique, tout ce qu'ils voyaient, c'était beaucoup de sang.»

Depuis ce jour, certains chiites iraniens soulignent l'Achoura à l'aide d'un martinet dépourvu de lames. Plusieurs mosquées chiites britanniques interdisent également tout usage de lames au sein de leur enceinte.

Soucieux de ne pas froisser les susceptibilités, un porte-parole de la Couronne a par ailleurs rappelé que le jugement ne s'appliquait qu'aux moins de 16 ans. Les adultes consentants restent libres de leurs actes.