On leur a demandé si le sexe était essentiel au bonheur de leur couple, si la fréquence de leurs relations l'était tout autant et comment ils réagiraient si leur tendre moitié les trompait. Voici ce que notre sondage CROP-La Presse nous apprend sur la sexualité des couples québécois aujourd'hui. Décidément, plusieurs stéréotypes ont la vie dure.

LA SEXUALITÉ EN TROIS MOTS

AMBIVALENTS

Face à un aveu d'infidélité, comment réagiraient-ils? Plusieurs répondants (40 %) font preuve d'une certaine ouverture et envisageraient une thérapie, pour comprendre ce qui s'est passé. Mais un grand nombre (34 %) y verrait aussi une trahison et mettrait carrément fin à la relation (tout particulièrement les femmes, à 40 %). Enfin, plusieurs répondants passeraient aussi l'éponge. « Je respirerais un bon coup et poursuivrais ma route. Après tout, un couple surmontera plusieurs épreuves au cours de sa vie », disent 21 % des répondants (surtout des hommes, à 26 %, contre 16 % des femmes).

« La fidélité a l'air beaucoup plus importante pour les femmes que pour les hommes. »

- Youri Rivest, vice-président chez CROP

IMPORTANT

Oui, le sexe, c'est important. Mais essentiel? Le facteur qui détermine la réussite du couple? Non. En fait, près de la moitié (46 %) des répondants affirme au contraire que la sexualité est « un élément parmi d'autres qui favorise la réussite du couple ». À noter, les jeunes hommes (18-34 ans) sont les plus nombreux à dire que le sexe est essentiel (49 %), et les femmes, à y voir un ingrédient parmi d'autres du succès (53 %).

« Les stéréotypes voulant que le sexe amène l'homme à l'amour, et l'amour qui amène la femme au sexe, sont... fondamentalement vrais. »

- Yvon Dallaire, psychologue et auteur 

SOUVENT

Oui, la fréquence des relations sexuelles est importante. Tout le monde s'entend (73 %). Plus les répondants sont jeunes, plus la fréquence est d'ailleurs importante (84 %). Et, sans surprise, ce sont surtout les jeunes hommes qui ont tendance à dire que la fréquence est « très importante ». 

À noter, cette fréquence est aussi importante chez les couples heureux (77 %) que malheureux (78 %).

« Il y a des couples malheureux qui baisent très bien, mais qui ne réussissent pas à s'entendre au niveau de la philosophie, des valeurs ou des questions monétaires. La sexualité n'est pas un problème, c'est même plutôt là qu'ils se réconcilient. Et puis, il y a des couples heureux sans libido. »

- Yvon Dallaire, psychologue et auteur

L'INFIDÉLITÉ, « UN INFARCTUS CONJUGAL »

Même si le tiers des répondants de notre sondage Crop-La Presse considère l'infidélité comme un signe de trahison ultime menant tout droit à la mort de leur couple, il reste que certains y survivent. Mieux, dans quelques cas, c'est finalement l'infidélité qui sauvera leur couple. Explications.

« Une infidélité est un infarctus conjugal », résume le psychologue Yvon Dallaire. Et tout comme certains malades affirment que leur infarctus leur a finalement sauvé la vie (parce que forcés à faire des changements draconiens dans leur mode de vie), dans certains cas, l'infidélité amène à une « prise de conscience et une renégociation », poursuit le psychologue qui, oui, ultimement, peut sauver le couple. « Mais n'allez jamais croire que l'infidélité est thérapeutique! »

DÉSÉQUILIBRE RELATIONNEL

Au contraire, toujours selon le psychologue, une infidélité témoigne d'un « déséquilibre relationnel ». C'est d'ailleurs une vision assez classique de l'infidélité : « je vais chercher ailleurs ce que je ne trouve pas ici »; une vision qui commence à être quelque peu remise en question, notamment par l'auteure américaine Esther Perel.

Pour que l'infidélité soit bénéfique, il faut, toujours selon Yvon Dallaire, que « les deux acceptent d'être coresponsables du déséquilibre. Que les deux se posent des questions, que les deux fassent les changements nécessaires ».

Selon le psychologue, toutefois, la fidélité est et demeure une valeur largement partagée. « C'est un atout évolutif, qui a permis à l'homme d'être de plus en plus humain. La fidélité, résume-t-il, c'est d'abord être fidèle à soi-même. C'est faire des choix. Mais c'est aussi faire des renoncements. »

EN CHIFFRES

1 homme sur 4

1 femme sur 5

auront, au moins une fois dans leur vie, une relation extraconjugale.

1/2

en gros, on peut donc dire que près de la moitié des couples (45 %) vivra une infidélité.

67 %

se séparent, après une infidélité.

43 %

le chiffre tombe à 43 % si l'infidèle avoue.

86 %

le chiffre grimpe à 86 % si l'infidèle nie tout.

33 %

Si 67 % se séparent, c'est que 33 % restent ensemble, après une infidélité.

1 couple sur 6

qui a vécu une infidélité va réussir à tirer profit de cette mésaventure.

Source : Yvon Dallaire, auteur de L'infidélité, Jouvence Éditions, 2007

ILS ONT SURVÉCU

Un couple infidèle sur six non seulement survit, mais se fortifie, dit le psychologue Yvon Dallaire. Un couple témoigne.

ÉVA*, 41 ANS

C'était il y a sept ans.

« Nous étions un couple très fusionnel - trop, à mon avis. J'avais besoin d'air et j'étais en plein deuil de mon père, dans ma bulle. J'étais vraiment très «rough» avec mon chum, qui a pensé que je ne l'aimais plus (c'est un anxieux, plein d'insécurités). Il a revu une amie qui venait de casser après une longue relation, monoparentale, elle avait besoin de se prouver qu'elle séduisait encore, et lui aussi, je crois, convaincu que j'étais au bord de le quitter. J'ai été évidemment blessée quand je l'ai su, et en furie, et j'ai réagi en le trompant moi aussi (ce que j'appelle poétiquement un «reaction fuck» !) avec mon meilleur ami, qui avait été un chum quand j'étais ado.

« On a vraiment failli se quitter, mais on s'aimait vraiment. On s'est séparés pendant trois semaines pour finalement revenir en courant l'un vers l'autre, «à boutte» d'être séparés. »

« Ce type d'affaires fait mal à un couple, et pendant un an ou deux, les blessures des deux côtés ont failli ruiner notre relation (reproches, jalousie, paranoïa...) et je comprends tout à fait que les couples se remettent rarement d'une telle expérience. Mais la solution est vraiment de pardonner à l'autre et de se pardonner à soi-même.

« Mais il ne faut pas exagérer avec le mea-culpa. Un moment donné, c'est bien beau, la communication, mais il ne faut pas en parler sans arrêt - je trouve que les psys exagèrent avec leur idée qu'on doit tout se dire. Je pense que, oui, ça a ressoudé notre couple plus fortement encore, car nous avons découvert que 1) nous nous aimions vraiment; 2) qui nous étions vraiment; 3) qu'un couple, c'est fragile, et qu'il faut éviter de faire des conneries agréables d'un soir pour se faire chier pendant des mois ensuite. Et puis, probablement que ça nous a redonné aussi un peu confiance en notre charme, chacun de notre côté, de façon tout à fait égocentrique.

« Rien ne dit que nous passerons notre vie ensemble, rien ne dit que nous resterons fidèles toujours, mais je pense qu'on a été vaccinés de ça pour un bon bout. »

ÉMILE*, 41 ANS

« Couple stable. On parle souvent de couples stables. Je n'aime pas cette expression qui rappelle à l'ordre, qui ramène à la police. «COUPLE, SOIS STABLE!» À moins d'être mormon, franchement ennuyeux ou sous médication, personne n'est stable. Chacun est pétri d'angoisse ordinaire: l'impôt, les dictats de la mode, la vaisselle, le travail, etc.

« Le couple est la rencontre amicale, amoureuse, spirituelle, et surtout, charnelle de deux personnes perdues dans un monde infiniment complexe. Deux personnes qui, avec le temps, deviennent une autre chose, LE COUPLE, justement.

« Cette création est extraordinaire, mène à des plaisirs inconnus des célibataires, mais il faut en prendre soin, quels que soient les ennuis personnels. Je n'ai retiré aucun plaisir profond à tricher, à tromper. Je me suis amusé, j'ai batifolé, cette «autre fille» est encore une vague amie. Mais j'ai commis une erreur. J'en ai été malade, j'en ai été puni.

« J'étais amoureux de ma blonde, mais les aléas de la vie nous avaient momentanément séparés. Oui, momentanément : nous nous sommes retrouvés, nous nous sommes pardonné, long et pénible processus.

« Couple stable: ça ne veut rien dire. Je ne suis pas marié. Mais, par expérience, je sais que je suis un homme fidèle et sincèrement amoureux. Et je n'ai pas honte de mon erreur. »

« L'infidélité peut être une gaffe constructrice, si ça ne devient pas une habitude. Aucun remords, plus maintenant. Mais il faut qu'un couple soit solide pour se sortir de cette épreuve. Dans notre cas, le couple a gagné et ça fait 15 ans que je suis en amour avec «ma femme». Ceci dit, et j'insiste, il n'y a rien qui soit stable dans l'existence, surtout pas quelqu'un! On est tous des tourbillons! Il est un peu absurde de promettre la fidélité totale et absolue pour toujours et à jamais. Mais on peut l'espérer, encore faut-il la mériter. »

* Noms fictifs