Depuis huit ans, le Weekend Fétiche joue à la frontière du sexe et de l'excentricité. Ne reculant devant rien pour mieux comprendre le «trip», notre journaliste a enfilé un costume de latex et s'est enfoncé dans la nuit noire de PVC.

On se serait cru dans un autre de ces galas sans intérêt. Sauf que les vedettes avaient été remplacées par des créatures fantastiques, habillées en latex.

Sur le tapis rouge, devant l'Olympia, les bibittes défilaient sous le crépitement des flashes et le regard médusé des passants. Combinaisons de PVC, cagoules, chaînes, strings, talons hauts, seins nus, «jockstraps» en cotte de mailles... À l'entrée, un «black» musclé était enchaîné par son collier à une grande blonde. Impossible de voir son visage: il portait un masque en cuir de style doberman, avec un museau et des oreilles pointues. Pendant une seconde, ma blonde et moi avons hésité... puis, nous sommes entrés.

Ce n'était pas notre première incursion au Weekend Fétiche. Mais cette fois, afin de mieux comprendre le «trip», nous avions décidé de jouer le jeu. L'ami Mario, de chez Polymorphe, nous avait prêté des costumes de latex, code vestimentaire quasi obligatoire pour ces soirées interdites aux moins de 18 ans. Confortables? Pour le profane, le PVC peut être un vrai cauchemar. Ça colle. Ça ne respire pas. Il faut mettre du lubrifiant pour l'enfiler. Et une fois dedans, on sue comme un cochon.

Si j'ai bien compris, le latex est un peu le prolongement du cuir. Les fétichistes l'ont adopté pour son côté restrictif (plus tu suffoques, plus c'est excitant) et parce que c'est super moulant, donc très sexy. Autre avantage, le latex permet beaucoup de choses dans le design vestimentaire. D'ailleurs, un défilé de mode était présenté le soir de notre incursion. Des designers venus d'Europe, de Montréal et des États-Unis présentaient leurs nouvelles collections. Il y en avait pour tous les goûts: du latex noir de base, style sadomaso, aux costumes délirants dignes de la Guerre des étoiles, en passant par des combinaisons aux couleurs du drapeau du Québec.

«Tu lui faisais des avances?!»

En ce qui me concerne toutefois, le show était ailleurs, c'est-à-dire dans la salle. Comme deux voyeurs postés dans un coin du bar, nous avons passé la première heure à observer les plus invraisemblables déguisements. Devant nous, un monsieur grisonnant se la jouait vieille Angleterre: chapeau haut de forme, guêtres, canne et queue de pie en latex. Apparemment «normal», sauf qu'il ne portait pas de pantalon, rien qu'un bon vieux slip blanc, qui était d'ailleurs mauve sous les blacklights. Pas loin de lui, un type était fringué en amiral de la marine américaine 100% latex. Clairement dans une autre ligue, un homme d'âge mûr déguisé en bébé portait la couche, le bonnet rose et la suce...

J'allais questionner ce fétichiste de la puériculture lorsque le doberman a surgi, toujours en laisse. Je lui ai demandé où il avait pris sa cagoule. Il m'a répondu très gentiment:

«Ghhmnrfff».

Je lui ai dit: «Excuse-moi, je n'ai pas compris à cause de ton masque, pourrais-tu répéter?».

«Ghhmnrfff.»

Près des toilettes, un couple est arrivé. Elle devant, lui en laisse, portant un masque de plastique blanc inexpressif. Elle lui a dit de ne pas bouger, sinon ça irait mal. Il a dit «oui, madame», elle est entrée chez les dames.

«C'est elle le boss, m'a dit le type. Je fais tout ce qu'elle demande.»

J'ai appris qu'ils étaient originaires de New York. Qu'ils venaient au Weekend Fétiche parce que Montréal est bien mieux pour des gens comme eux. J'allais lui demander pourquoi, quand sa femme est réapparue, furax.

«Tu lui faisais des avances?! Mauvais garçon! Allez, va faire pipi. Tu as une minute trente pas plus!» Il m'a salué, puis est entré chez les hommes.

Tracer la ligne

Quelle part de cirque dans tout cela? Difficile à dire. Chez les «fétichistes» - terme d'ailleurs un peu fourre-tout - la ligne semble floue entre la sexualité et l'excentricité.

Certains ne sont là que pour le déguisement. C'est leur Halloween, version XXX. Exhibitionnistes, ils se laissent volontiers photographier. D'autres y voient une chance de laisser libre cours à leur «différence» sans peur d'être jugés. Parfois dans l'espoir - ou le désespoir? - de rencontrer celui ou celle qui partagera leurs fantasmes. Les puritains y verront de la décadence. Mais ce n'est pas l'impression que nous avons eue. Pour sombre et bizarre qu'il paraisse, le «trip» fétiche est trop créatif pour être régressif.

De là à faire le saut, il y a une limite. Après le spectacle, quand les démonstrations de «jeu» ont commencé, nous nous sommes sentis un peu «tatas» dans nos costumes de latex. Une dominatrice donnait la fessée à une femme assise sur une selle de cheval. Un homme avec un collier d'esclave suçait les orteils d'une fille émoustillée.

Le moment était parfait pour filer et laisser à leurs émois tous ces gagas du PVC et de la sexualité alternative.

Pas de regrets. Il fallait rentrer.