Dans l'Angleterre victorienne, l'hystérie féminine était perçue par le corps médical comme une véritable épidémie. Affligées par l'anxiété, la dépression ou, pire, la nymphomanie et l'attrait pour la lecture romanesque, les Anglaises consultaient des médecins prêts à tout pour soulager leurs malaises. Le film Hysteria raconte avec humour les pratiques médicales de l'époque... qui ont mené à l'invention et des premiers vibromasseurs.

Qui auraient cru que bien avant les boutiques érotiques et les films pornos, des magazines comme Modern Priscilla, Women's Home Companion ou Home Needle Work Magazine ont fait connaître du grand public les vertus du vibrateur? Ces publications du XIXe siècle faisaient la promotion de ces engins destinés aux dames en mettant l'accent sur leurs vertus pour la santé, la circulation sanguine et la bonne humeur en général.

«On ne faisait aucune référence à leurs fonctions sexuelles», rapporte Rachel P. Maines, spécialiste des technologies reliées au corps et à la sexualité de l'Université Cornell et auteure de l'ouvrage Technologies de l'orgasme.

Dans Hysteria, l'acteur Hugh Dancy incarne Mortimer Granville, le médecin inventeur du vibrateur à usage médical. Dépeint comme un jeune médecin naïf et de bonne volonté, ce personnage bricole, avec l'aide d'un ami inventeur, un engin électrique destiné à soulager ses nombreuses patientes qui le consultent pour recevoir des soins «manuels».

Dans le Londres de 1880 qui est aussi une époque d'émergence des technologies électriques, le plaisir érotique féminin est une notion inexistante. On disait des femmes «hystériques» qu'elles étaient victimes d'un utérus volatil, une condition née dans la Grèce d'Hippocrate, associée à «tout ce qui peut rendre une femme dérangeante pour son entourage».

Pour calmer cet état aux antipodes de la retenue anglaise, il était commun que les médecins administrent des décharges électriques ou encore procèdent à des massages manuels. Et au début du XXe siècle, les médecins spécialistes de la «technologie vibratoire» gagnaient plus que tous les autres spécialistes. «Longtemps, les manifestations de la sexualité féminine étaient perçues comme des maladies. Les grossesses ou la ménopause étaient médicalisées», raconte Rachel P. Maines.

«Paroxysme»

Dans Hysteria, la voix de la raison appartient au personnage de pré-féministe défendu par Maggie Gyllenhaal. Une jeune femme aux idéaux sociaux, qui défend la notion que les femmes éprouvent aussi du plaisir sexuel et que les dames qui cherchent des traitements pour hystérie ne sont que des «femmes au foyer nerveuses» délaissées par des époux négligents.

Femme de bonne famille aux opinions tranchées qui se déplace à bicyclette, aide les pauvres, défie l'autorité et fait valoir ses opinions avant-gardistes, ce personnage est évidemment qualifié d'hystérique par son père médecin.

«Ce n'est pas avant les années 1970 qu'aux États-Unis, on a commencé à réaliser à quel point de tels diagnostics étaient sexistes.»

Reconstitution historique

Rachel P. Maines est d'avis que le film Hysteria n'est pas une reconstitution historique fidèle de la naissance du vibrateur. «Mais ce n'est pas grave: tant que cela amuse les gens et les amène à discuter de sexualité...»

Contrairement au héros du film, incarné par un jeune et séduisant acteur, Mortimer Granville avait atteint l'âge vénérable de 50 ans quand il a inventé le premier vibrateur. En revanche, l'usage du terme «paroxysme» pour décrire l'orgasme vécu par les patients est tout à fait conforme au lexique médical d'autrefois. Le film de Tanya Wexler nous apprend aussi que ce n'est qu'au début des années 1950 que la psychiatrie a cessé de reconnaître les diagnostics d'hystérie.

Quant aux médecins, c'est autour des années 1930 qu'ils ont cessé d'administrer des traitements vibratoires pour calmer les «crises vénériennes». Le vibrateur à usage personnel, en revanche, est revenu en force vers les années 1960, redécouvert par les thérapeutes sexuels qui l'utilisaient pour traiter l'anorgasmie.

Selon Rachel P. Maines, le vibrateur connaît aujourd'hui son âge d'or. «Aux États-Unis, 53% de femmes et 25% d'hommes disent avoir déjà utilisé un vibrateur. Et il existe désormais des boutiques érotiques qui offrent des produits sans danger pour l'environnement et pour le corps, emballés dans un minimum de plastique. Et les Britanniques ont aussi décidé de prendre d'assaut ce marché, de se décoincer un peu et d'avoir du plaisir!»

En Alabama, par contre, il est toujours illégal de vendre des vibrateurs et d'en posséder plus de cinq. En revanche, la possession d'une arme à feu personnelle ne requiert aucun permis. À chacun sa définition de l'hystérie...

Hysteria, de Tanya Wexler, prend l'affiche vendredi.