Michel Lemay est sexologue, spécialiste des dépendances sexuelles et affectives. Il résume en quoi consiste une dépendance au porno, ses causes et, surtout, ses conséquences.

C'est quoi, une dépendance à la pornographie?

«Une dépendance, au sens large, c'est la relation qu'on développe avec une substance. Une relation qui donne l'illusion de se sentir bien. Par exemple: je m'ennuie, j'ouvre le frigo, je mange un gâteau, je me sens bien. Il peut s'agir du jeu, de l'alcool ou de la pornographie.»

Pourquoi devient-on dépendant?

«Je deviens dépendant parce que j'attribue à la substance en question le pouvoir magique de me rendre bien quand je me sens mal. Plutôt que d'admettre que j'ai un problème et d'y faire face. Par exemple: je manque de confiance en moi, j'appelle une escorte, et cela me donne l'illusion d'être bien, beau, etc. Dans la dépendance, il y a un geste répétitif et aussi fantasmatique. De façon obsessive, je cherche quelque chose.»

Pourquoi les femmes sont-elles attirées par la pornographie?

«Le porno vise l'excitation des organes génitaux. C'est souvent stéréotypé, et cela met en scène des situations hors de l'ordinaire. Contrairement à l'érotisme, qui fait appel aux charmes et aux émotions. L'hypothèse que je fais, c'est qu'on ne sait plus ce qu'est l'érotisme, tellement la pornographie est envahissante. C'est un discours unique, qui prend toute la place.»

Qu'est-ce qui fait qu'on devient ou pas dépendant?

«Cela relève des apprentissages familiaux, de notre histoire, et aussi de la disponibilité. Avec internet, c'est de plus en plus accessible.»

Et est-ce que ça se soigne?

«Oui, mais cela dépend de la relation qu'on a développée avec la substance dont on est dépendant, quel rôle cela a joué, et dans quel contexte. Pour guérir, il ne faut plus y recourir. Il faut identifier ce qu'on allait geler (pourquoi on l'utilisait), et développer une autre dynamique pour répondre à nos difficultés.»

Est-ce que le phénomène devrait nous inquiéter?

«Moi, ce qui m'inquiète, c'est que de plus en plus de jeunes s'initient à la sexualité par l'entremise de ces émotions fortes, de ces gestes qui franchissent des interdits. [...] On consomme le sexe comme un bien. Or, ce n'est pas un bien. Mais une façon d'être. Un lien qu'on établit avec l'autre.»