(Extrait de la préface, signée Élisabeth Badinter)

À première vue, quoi de plus immuable que le sein féminin? N'a-t-il pas toujours eu pour fonction de contenter l'homme et le bébé? L'histoire qu'en trace Marilyn Yalom, de la préhistoire à nos jours, est infiniment plus complexe et subtile. Partant de la question: «À qui appartiennent les seins?» elle donne à voir, selon les époques et les pays, de multiples «propriétaires» qui décident de leur fonction, de leur statut, et même de leur forme. Du sein divin de la madone allaitant au Moyen Âge au sein érotique d'Agnès Sorel, du sein domestique de la Hollande protestante du XVIIe siècle au sein politique de Marianne torse nu, du sein commercialisé par l'industrie du corset et du soutien-gorge au sein rongé par le cancer ou torturé par le piercing du XXe siècle, M. Yalom montre que le pauvre sein de la femme a appartenu successivement à l'enfant, à l'homme, à la famille, au politique, au psychanalyste, aux commerçants, au pornographe, au médecin, au chirurgien esthétique, avant que les féministes n'en reprennent le contrôle à la fin du siècle dernier. Jetant leurs soutiens-gorge à la poubelle, les femmes se dénudent en signe de libération. Ce faisant, elles se sont réapproprié leur poitrine pour un court moment. Car en vérité, quelle femme aujourd'hui peut se jouer tout à la fois de la mode, de la séduction et de sa santé?

Tiré de Marilyn Yalom, Le sein, une histoire, Galaade éditions, 2010, pour la traduction française, 381 p.