Le «Viagra» féminin devra attendre: un comité consultatif indépendant de l'Agence américaine des médicaments s'est prononcé vendredi contre la commercialisation du flibanserin de la firme Boehringer Ingelhein, jugé insuffisamment efficace pour doper la libido féminine.

«L'efficacité est insuffisante pour justifier les risques», a déclaré après le vote le Dr Julia Johnson, présidente du comité et patronne du service de gynécologie de la faculté de médecine de l'Université du Massachusetts (nord-est).

Le comité de sept femmes et de quatre hommes a été unanime pour estimer que le laboratoire allemand n'avait pas démontré que les risques et les mérites du flibanserin étaient acceptables. Ils ont été dix contre un à juger l'efficacité insuffisante.

Ce vote est intervenu à l'issu de plusieurs heures de présentations et délibérations dans un hôtel de la banlieue de Washington.

La Food and Drug Administration (FDA) n'est pas tenue de suivre ces recommandations dans ses décisions pour autoriser ou non la mise sur le marché d'un nouveau médicament mais s'y conforme le plus souvent.

A ce jour, la commercialisation du flibanserin, dont le nom commercial est le Girosa, n'a été approuvée nulle part dans le monde et contrairement au Viagra et autres traitements contre les dysfonctionnements érectiles masculins, il n'existe aucun médicament sur le marché contre l'hypoactivité sexuelles féminine.

Ce vote n'est pas une surprise. Une analyse des résultats de ces essais cliniques effectuée par des médecins de la FDA et publiés en ligne sur le site de l'agence mercredi soir indiquait que ces derniers «ont été incapables de démontrer statistiquement une amélioration significative du désir sexuel».

Ces médecins soulignaient aussi que le flibanserin présentait un risque d'effets secondaires comme la dépression et des étourdissements.

Sur la base de ces études, Boehringer Ingelhein avait fait une promotion agressive du flibanserin pour traiter les femmes pré-ménopausées disant souffrir de manque d'appétit sexuel, un marché que les firmes pharmaceutiques ciblent depuis le succès phénoménal auprès des hommes du Viagra, autorisé à la vente en 1998 suivi quelques années après par les concurrents Cialis et Levitra.

Le marché du «Viagra féminin» pourrait atteindre deux milliards de dollars.

Selon plusieurs études médicales, au moins 40% des femmes souffriraient à différents degrés d'hypoactivité sexuelle.

Ces essais cliniques de 24 mois conduits aux Etats-Unis et au Canada avaient porté sur 1.323 femmes, la plupart mariées, d'un niveau élevé de formation et, hormis leur libido chancelante, en bonne santé.

Celles qui ont pris du flibanserin ont indiqué avoir eu, en moyenne sur un mois, 4,5 rapports «sexuellement satisfaisants» même dans les cas où l'orgasme n'avait pas été atteint, contre 3,7 rapports satisfaisants chez les participantes dans le groupe ayant reçu un placebo et 2,7 chez celles n'ayant rien pris.

Le flibanserin, initialement un antidépresseur, réduit le niveau de sérotonine qui peut éteindre le désir sexuel et dope la teneur sanguine en dopamine et norépinéphrine, des substances stimulant la libido, selon le laboratoire.

La psychologue Leonore Tiefer de l'Université de New York, membre du groupe consultatif, avait dit craindre avant la réunion du comité que la vente d'une telle pilule ne déçoive un grand nombre de femmes.

Selon elle, la complexité émotionnelle de la sexualité féminine et les problèmes pouvant en résulter n'ont souvent pas de cause médicale.