Sitôt ses esprits un peu revenus, Tiger Woods a annoncé qu'il allait suivre une thérapie. Quel genre de thérapie? Il n'en a pas soufflé mot, laissant tout un chacun conclure à la très en vogue thérapie sexuelle. À partir de quand l'adultère devient-il pathologie? La compulsion sexuelle est-elle une vraie maladie ou une ruse de relations publiques pour personnes célèbres dans le pétrin?

Avant Tiger Woods, Charlie Sheen et David Duchovny (ex-monsieur X-Files) avaient déjà très publiquement annoncé qu'ils allaient suivre une thérapie sexuelle. Warren Beatty, à qui une récente biographie attribue 12 777 conquêtes dans sa vie, n'a jamais senti la nécessité de consulter pour cela.

La compulsion sexuelle, plus souvent associée à des hommes, fait beaucoup jaser depuis quelque temps, alors que la nymphomanie n'est plus reconnue comme une maladie depuis longtemps. «Ça, c'était plutôt lié aux mentalités sexistes d'une certaine époque qui jugeaient honteux certains désirs féminins alors qu'ils étaient tout à fait acceptés pour des hommes», souligne Benoît Dassylva, psychiatre à l'Institut Pinel.

Si la nymphomanie a été effacée des maladies psychiatriques, que conclure sur l'hypersexualité?

«L'hypersexualité est un syndrome connu en psychiatrie, poursuit le Dr Dassylva, mais ça reste subjectif. Ce n'est pas du même ordre et ça n'a pas la même portée que la pédophilie, par exemple.»

N'empêche, poursuit le Dr Dassylva, ça peut devenir un réel problème quand la sexualité devient exacerbée au point où elle se met à servir d'exutoire à un mal-être plus profond. Mais encore là, difficile d'établir une ligne claire. «La multiplication des conquêtes, qui pourra être vécue comme un problème pour certains, sera plutôt considérée comme un exploit pour les autres», fait-il observer.

«Il est certainement plus acceptable de passer pour une personne malade que pour une personne moralement corrompue», lance pour sa part Jan Cioe, psychologue clinicien et professeur de psychologie à l'University of British Columbia.

«La compulsion sexuelle ou hypersexualité, relève-t-il, fait l'objet d'intenses débats» parmi les psychiatres. Certains y voient une maladie, d'autres, «un désordre comportemental, une très mauvaise habitude qui peut causer de sérieux problèmes à la personne affectée».

Une grande notoriété multiplie assurément les occasions, poursuit Jan Cioe. A priori, dit-il, après avoir précisé qu'il devrait bien sûr rencontrer Tiger Woods pour en avoir le coeur net, ce qui est peut-être plus problématique, dans le cas de Woods, c'est que malgré tout le choix qui s'offrait à lui, il a toujours opté pour des stars de la porno, déchues ou pas.

Évolutions des moeurs

La liste des maladies psychiatrique que répertorie l'Association américaine de psychiatrie est remaniée au gré des époques. Il y eut un temps où l'homosexualité était cataloguée comme une pathologie. Ce ne l'est plus. À l'inverse, certains types de personnalité - les personnalités limites, par exemple - sont maintenant associés à des pathologies en bonne et due forme.

Ce n'est cependant pas demain la veille qu'il en sera de même pour l'hypersexualité, à en croire un article paru en février dans la revue Archives of Sexual Behaviour signé par Jason Winters et al.

Après avoir convaincu 6458 hommes et 7938 femmes de répondre à un questionnaire, les auteurs concluent que la sexualité dite déréglée est peut-être simplement le fait de personnes qui ont une plus grande libido et qui ont du mal à en gérer les conséquences.

Selon Jason Winters, bien que l'hypersexualité puisse manifestement être problématique et en amener plusieurs à consulter, il serait «imprudent» et «douteux» d'en faire une maladie psychiatrique, ne serait-ce qu'en raison du manque de données neurophysiologiques et neurobiologiques.

Quoi qu'il en soit, d'un strict point de vue des relations publiques, Tiger Woods est bien retombé sur ses pieds, croit Luc Dupont, professeur au département de communication de l'Université d'Ottawa. Le coup de la thérapie, c'était une très bonne idée, tout comme celui de se déclarer bouddhiste. «Rien de mieux pour accentuer à quel point il est devenu un homme nouveau.»

photo Hans Deryk, reuters

Tiger Woods n'est pas la première vedette à faire une thérapie sexuelle. «Il est certainement plus acceptable de passer pour une personne malade que pour une personne moralement corrompue», estime un spécialiste.