La tragédie du diabète repose essentiellement sur la difficulté de traiter une maladie qui reste cachée de longues années. On sait que rester mince est une bonne mesure de prévention. Mais d'autres facteurs de risque deviennent mieux connus.

En théorie, l'équation est simple: un test sanguin à tous les deux ans à partir de la quarantaine devrait permettre de diagnostiquer la grande majorité des diabètes avant que la maladie ne cause des dommages irréparables. C'est sans compter la légendaire tendance masculine à se passer du docteur. Résultat: entre le tiers et la moitié des diabétiques ignorent qu'ils sont atteints de la maladie.

«Si on pouvait détecter le diabète plus tôt, notre travail serait beaucoup plus efficace, explique Jean-Marie Ekoé, endocrinologue à la faculté de médecine de l'Université de Montréal. Personnellement, dès qu'un patient atteint l'âge de 30 ans, je ferais le dépistage.»

Le problème est surtout masculin. Une étude britannique de 2003 a évalué que le taux de cas non diagnostiqués était deux fois plus élevé chez les hommes que chez les femmes.

En 2007, une étude écossaise a conclu que le dépistage dès l'âge de 40 ans était rentable, avec un coût de 25 000$ par année de vie sauvée pour la tranche des 40-49 ans, deux fois moins que la limite généralement acceptée pour les nouveaux programmes de santé publique. Ce programme serait similaire à celui qui vise le cancer du sein, avec l'envoi de lettres à toutes les personnes de plus de 40 ans. «Pour les plus de 50 ans, le coût était encore plus bas», dit l'auteur principal de l'étude publiée dans la revue Health Technology Assessment, Norman Waugh, de l'Université d'Édimbourg. «Depuis, je pense que la rentabilité est encore meilleure, donc on pourrait commencer à âge plus bas.»

En l'absence d'un tel programme, le diabète est souvent diagnostiqué quand il cause des problèmes graves. «Les hommes l'apprennent souvent quand ils ont des problèmes de vision et que l'ophtalmologiste constate qu'ils ont une rétinopathie diabétique, des dommages aux yeux», explique Constantin Polychronakos, qui dirige l'endocrinologie pédiatrique à l'Hôpital de Montréal pour enfants. «Si on pouvait détecter les signes avant-coureurs dès l'enfance, ce serait plus facile parce que la plupart des enfants voient un médecin de temps à autre. D'ailleurs, il faudrait d'autres lignes directrices pour les pédiatres. Personnellement, si je voyais un patient adolescent obèse qui a du diabète dans la famille, je lui recommanderais d'avoir des tests réguliers à partir de l'âge adulte.»

Des projets sont en cours pour des populations plus touchées par le diabète. «Les communautés autochtones ont des gènes de prédisposition au diabète, dit le Dr Polychronakos. Chaque enfant devrait avoir des tests sanguins dès l'adolescence. Nous avons fait un jour un projet pilote dans une école montréalaise avec une population d'origine européenne, mais les coûts par cas détecté étaient beaucoup trop élevés.»

Pour ce qui est du diabète de type 1, les perspectives sont meilleures, notamment grâce à des tests génétiques dès la naissance. Le problème est l'absence d'une thérapie permettant d'empêcher la destruction des cellules du pancréas qui produisent l'insuline. «Quand on pourra ralentir ou prévenir les dommages au pancréas, on pourra suivre seulement 15% des enfants et détecter presque tous les cas de diabète de type 1, dit le Dr Polychronakos. Le nombre de gènes impliqués est beaucoup moins élevé que dans le type 2. Actuellement, nous pouvons isoler, grâce à des analyses génétiques à la naissance, un groupe qui représente 90% des cas de diabète de type 1, mais seulement 20% des enfants.»