Les géants de la malbouffe et de l'industrie du soda font face à un déclin de la consommation de leurs produits aux État-Unis.

Le centre hospitalier Truman Medical Centers (TMC) à Kansas City n'offre plus de nourriture de type «fast food» dans sa caféteria après la rupture anticipée il y a deux ans de son contrat avec McDonald's.

«Je ne suis pas certain que la place d'un fast-food soit au sein d'un hôpital», raconte à l'AFP son ex-directeur, John Bluford, aujourd'hui retraité après avoir dirigé TMC pendant 15 ans.

«C'était une décision fondée sur des raisons de santé. On s'est dit qu'on avait besoin de changer les règles du jeu et commencer à créer une culture de la santé», se remémore-t-il.

Impensables dans les grands pays européens et notamment en France, ces partenariats se sont développés dans les années 90. Un peu moins d'une dizaine d'hôpitaux les ont rompus depuis cinq ans, date de début d'une campagne menée par l'ONG Corporate Accountability International.

Le centre pédiatrique Kosair dans le Kentucky (centre-est), qui avait fait entrer les «Big Mac» et autres Nuggets au chevet des patients dès son ouverture en 1986, a suivi l'exemple de TMC, confie à l'AFP Maggie Roetker, porte-parole de l'hôpital.

Désamour

Les ventes de McDonald's, fondé en 1955, ont baissé de 3,3% aux États-Unis au dernier trimestre. La consommation de sodas est retombée l'an dernier aux niveaux de 1995, selon le centre de données spécialisé Beverage Digest. Les Américains qui buvaient en moyenne 51 gallons (1 gallon équivalant à 3,8 litres) de sodas en 1998 n'en buvaient plus que 44 gallons l'an dernier.

Cette baisse est encore plus marquée pour les boissons dites «light»: leurs ventes cumulées ont baissé de 6% aux États-Unis dans la foulée d'études controversées sur les effets supposés cancérigènes des édulcorants de synthèse comme l'aspartame.

Sollicités par l'AFP, ni McDonald's, ni Coca-Cola ni PepsiCo n'ont donné suite.

«On commence à voir poindre un désamour pour l'alimentation de masse au profit d'une cuisine faite maison», analyse auprès de l'AFP le professeur et nutritionniste Keith-Thomas Ayoob de l'Albert Einstein College of Medicine à New York. «En tant que nutritionniste, je n'avais jamais pensé que la salade deviendrait à la mode dans ce pays».

De plus en plus d'Américains font le lien entre la malbouffe, les sodas et les maladies comme l'obésité ou encore le diabète, assure à l'AFP Sriram Madhusoodanan de Corporate Accountability International. En décembre 2011, la ville californienne de San Francisco a obligé  les chaînes de fast-food à augmenter la part de fruits et de boissons moins sucrées dans les menus pour enfants.

Ces efforts commencent à aboutir. Les Centres fédéraux de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont annoncé fin février une baisse de 43% de l'obésité chez les enfants de 2 à 5 ans depuis 10 ans dans un pays où un fast-food est à tous les coins de rue.

Beaucoup reste à faire, selon l'organisation Trust for America's Health: deux-tiers (68,5%) des adultes sont en surpoids ou obèses, selon son dernier rapport publié en septembre.

Nouvelles envies

L'industrie a «drastiquement réduit de 40% la part de sucre dans les sodas sur les dix dernières années», défend auprès de l'AFP Christopher Gindlesperger, porte-parole de l'American Beverage Association, le lobby des producteurs de boissons. «Quand on regarde les données gouvernementales on voit que la part des calories issues des sodas n'est que de 4%».

Mais le succès de la chaîne de restaurants Chipotle Mexican Grill symbolise les nouvelles envies du consommateur américain.

Créée en 1993, Chipotle affirme que ses «viandes ne sont pas élevées avec des hormones; nos légumes sont bio, cultivés par des producteurs locaux», vante auprès de l'AFP Chris Arnold, un porte-parole. Ses ventes ont augmenté de 31% à 1,08 milliard au troisième trimestre et il se développe aussi en Europe.

McDonald's laisse désormais les mains libres à ses franchisés mieux placés, selon lui, pour s'adapter aux goûts de leurs clients.

Mais pour Sriram Madhusoodanan, une réelle volonté de changement passe par «arrêter de cibler les enfants avec les jouets gratuits dans ses Happy Meal et sa mascotte Ronald McDonald's». La chaîne Taco Bell a, elle, renoncé en juillet 2013 aux menus pour enfants.

Coca-Cola et PepsiCo multiplient les engagements à réduire davantage le sucre dans leurs boissons et se lancent dans les sodas fait-maison en s'associant aux spécialistes comme Keurig Green Mountain (Coca-Cola) ou SodaStream (PepsiCo) pour parer à la baisse des ventes. Un autre relais de croissance - les boissons énergisantes très prisées par les jeunes- s'offre également à eux.

«Ils sont en train de changer. Ils doivent changer», commente John Bluford.