Des antibiotiques sont couramment donnés aux porcelets du Québec pour maximiser leur croissance. Or, cette pratique - remise en question parce qu'elle contribue à l'antibiorésistance chez l'humain - est si peu efficace qu'elle devrait être abandonnée, selon une nouvelle étude consultée par La Presse.

«Tout le monde dit que les effets des antibiotiques sont bénéfiques pour la croissance des porcs, parce qu'on s'attend à 3 à 5% d'amélioration, a dit hier Christian Klopfenstein, vétérinaire au Centre de développement du porc du Québec (CDPQ). Notre rapport montre que c'est, au mieux, la moitié moindre. Ça mérite qu'on remette en question cet usage.»

Plus de 300 porcelets ont été suivis dans des conditions représentatives des élevages commerciaux par l'équipe de M. Klopfenstein, de novembre 2007 à février 2008. Chaque porc disposait d'une superficie «réduite au minimum» de 0,69 m2 par animal, précise le rapport.

Un groupe de porcs a reçu du phosphate de tylosine comme facteur de croissance, un second groupe a reçu de la salinomycine, tandis que le dernier n'a eu aucun antibiotique.

Il est à noter qu'au Québec, 53% des porcs reçoivent un antibiotique comme facteur de croissance dans au moins un des aliments en période d'engraissement, selon une enquête d'Épidémio-Qualité (2006). «C'est une proportion similaire à ce qui se fait au Canada et aux États-Unis, ou peut-être moins élevée», a précisé M. Klopfenstein.

Effets de moins de 2%

Les résultats ont été minces: «La fortification des aliments avec les antibiotiques a eu des effets bénéfiques de moins de 2%» sur le gain de poids moyen quotidien des porcs et l'indice de conversion alimentaire, selon l'étude. Cet effet est jugé non significatif. En isolant la période de finition (quand les porcs pesaient de 82 à 113 kg), «les effets bénéfiques étaient un peu plus importants (2-3%), mais encore non significatifs», souligne le rapport.

L'utilisation des deux antimicrobiens n'a pas amélioré de façon significative le poids de la carcasse, le rendement en viande maigre ni même le revenu de vente des porcs. L'impact des facteurs de croissance antibiotiques serait supérieur dans les troupeaux victimes de problème infectieux, ce qui n'était pas le cas ici.

Et l'antibiorésistance, qui fait craindre le retour de grandes épidémies? Le rapport confirme que «les porcs sont porteurs de certaines bactéries résistantes aux antibiotiques». Mais il précise que «l'usage des antibiotiques comme facteurs de croissance dans un seul lot ne crée pas une pression suffisante pour sélectionner des souches résistantes».

Arrêter de donner des antibiotiques comme facteur de croissance ne serait pas une panacée. Cela «pourrait avoir certains effets localisés à court et à moyen terme», selon un récent rapport de l'Institut national de santé publique du Québec. Mais seuls 20% des antibiotiques que reçoivent les porcs visent à favoriser leur croissance; la majorité est utilisée pour des usages curatifs et préventifs.

Le Québec a produit 7,8 millions de porcs en 2009. «Chaque producteur travaille avec son vétérinaire pour déterminer le choix des médicaments qu'il doit donner ou non, a indiqué Nathalie Hansen, directrice des communications de la Fédération des producteurs de porcs du Québec. Cela dit, les médicaments font l'objet d'ordonnance et sont homologués par Santé Canada. Ils sont utilisés pour favoriser la santé de la flore intestinale des porcs. Ils permettent aux porcs d'ingérer plus efficacement les aliments.» Des croyances encore bien ancrées.