Les activités d'inspection des viandes de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) comportent des lacunes, selon une vérification interne consultée par La Presse. Les vérifications de la qualité, «visant à déterminer l'efficacité des processus d'inspection», ne sont «pas effectuées comme prévu», lit-on dans le rapport de Peter Everson, dirigeant principal de la vérification à l'ACIA.

Près de trois ans après la tragique éclosion de listériose dans les viandes Maple Leaf, qui a fait 22 morts, cela peut susciter l'inquiétude. Le Québec fait particulièrement piètre figure: seulement 62% des vérifications des activités d'inspection prévues sont effectuées. C'est le plus bas taux au pays. Ailleurs, il oscille entre 74% (dans l'Ouest) et 93% (en Ontario). Ces vérifications «peuvent devenir un fardeau administratif et il n'y a pas de temps à y consacrer», a fait valoir le personnel de première ligne.

Autre constat: «la direction reçoit des renseignements incomplets», plutôt que les informations exhaustives attendues pour la prise de décisions, dénonce le rapport daté de février 2011. Du positif est aussi noté, puisqu'un plan de formation pour les inspecteurs des établissements de transformation des viandes est mis en oeuvre.

«À mon avis, en ce qui a trait aux activités d'inspection des viandes», résume M. Everson, «le système de vérification de la conformité comporte des risques» qui «requièrent l'attention de la direction». L'ACIA n'a pas commenté, hier.

«Mangez à vos propres risques»

«Il y a des inquiétudes», a commenté François Décary-Gilardeau, analyste agroalimentaire chez Option consommateurs, après avoir consulté la vérification. «Que les rapports faits à la direction soient incomplets, ça me surprend, a-t-il dit. Comment prennent-ils les bonnes décisions s'ils n'ont pas une vue d'ensemble?» Le faible taux de vérification d'inspections l'a aussi dérangé. «On se rend compte qu'on ne fait pas beaucoup de suivi, au Québec», a-t-il souligné.

Onze millions de gastroentérites liées à la nourriture sont rapportées chaque année au Canada, selon un éditorial du Journal de l'Association médicale canadienne, paru à la mi-avril. «Mangez à vos propres risques», a ironisé l'Association, qui déplore le manque d'actions prises pour prévenir les maladies d'origine alimentaire. «Nous dépendons toujours des travailleurs des compagnies alimentaires» pour détecter et rapporter les problèmes, a regretté l'éditorial.

Plus d'inspecteurs qu'avant

Il y a pourtant de l'espoir, puisque le nombre d'inspecteurs dans le secteur de la transformation des viandes a doublé depuis la crise chez Maple Leaf, selon Denis Sicard, du Syndicat de l'Agriculture de l'Alliance de la fonction publique du Canada. «L'Agence n'a pas eu le choix de se pencher sur le problème, a-t-il dit. Plusieurs inspecteurs sont inexpérimentés, mais beaucoup de formation leur est donnée.»