L'Union européenne a échoué mardi à trouver un accord pour contrôler le clonage animal et la mise sur le marché d'aliments génétiquement manipulés, pour le plus grand bonheur de l'industrie mais au risque d'une crise de défiance des consommateurs.

Le commissaire européen en charge des consommateurs John Dalli s'est dit «déçu de cette occasion manquée de codifier le clonage animal», même si l'utilité de cette méthode de procréation du bétail reste contestée.

Le constat d'échec a été dressé mardi au terme de trois ans de négociations infructueuses sur le sujet et d'une ultime séance de tractations entre les représentants des États, du Parlement européen et de la Commission essentiellement consacrée à l'information des consommateurs.

Le Parlement exigeait une traçabilité très poussée pour informer les consommateurs de toute trace de viande issue de bête clonée en remontant à plusieurs générations. Les gouvernements voulaient un système moins restrictif.

«Les produits alimentaires issus du clonage n'apportent aucun bénéfice aux consommateurs. Quels intérêts représentaient les ministres ?», s'est demandée de la Fédération des consommateurs européens, Monique Goyens, ulcérée par un échec qualifié de «honte»

L'une des négociatrices du Parlement européen, la française Corinne Lepage, ancien ministre de l'Environnement, lui a indirectement répondu.

«Une partie du Conseil (représentant les États) a joué la rupture, comme la Grande-Bretagne, car ça les arrange de pouvoir importer des semences d'animaux clonés sans contrôle», a-t-elle accusé, lors d'un entretien avec l'AFP.

«Tout cela favorise les gros lobbies alimentaires des États-Unis», a-t-elle accusé.

L'Union européenne, qui ne produit pas de viande clonée, importe chaque année entre 300 000 et 500 000 tonnes de viande bovine destinées à la consommation. Une bonne partie vient des États-Unis et d'Argentine, pays qui ont autorisé eux le clonage à des fins commerciales, mais n'ont aucun système de traçabilité.

«La viande de boeuf en provenance de ces pays peut être issue d'animaux clonés, mais il est impossible de le vérifier» aujourd'hui, a souligné la Commission.

Un étiquetage très poussé, réclamé par le Parlement européen, aurait imposé à ces pays des contrôles qu'ils ne veulent pas réaliser et l'Union européenne aurait été obligée de bloquer les importations, au risque d'une nouvelle guerre commerciale similaire à celle provoquée par l'interdiction jadis du boeuf aux hormones américain.

Le commissaire en charge du Commerce extérieur Karel «De Gucht a sans cesse évoqué cette menace d'une guerre commerciale, au motif que si il y a étiquetage, les gens n'achètent pas», a raconté Mme Lepage.

«Les États étaient d'accord pour un étiquetage de la viande fraîche ou congelée de la première génération de descendants de bovins clonés, mais ils refusaient d'étiqueter toutes les denrées», a expliqué M. Dalli.

«Si les scientifiques disent qu'il n'y a pas de problèmes entre la première génération des animaux clonés et les suivantes, en quoi est-il nécessaire d'informer les consommateurs», a-t-il estimé.

Le Parlement a tenté d'obtenir une solution «trompeuse», qui aurait abouti dans les faits à l'obligation d'établir «un arbre généalogique pour chaque tranche de fromage ou de salami», a déploré le ministre hongrois du Développement rural, Sandor Fazekas, dont le pays préside l'UE pour six mois.

Résultat de l'impasse: pour le moment aucun encadrement spécifique de la commercialisation de la viande ou du lait d'animaux clonés n'existe en Europe.

«Tout cela va avoir pour conséquence une méfiance des consommateurs à l'égard de la viande», a averti Mme Lepage.