Pour la première fois de son histoire, la Cour suprême des États-Unis a tranché un litige concernant les organismes génétiquement modifiés. Lundi, le tribunal a levé un moratoire sur la culture de luzerne transgénique... tout en interdisant sa commercialisation.

À la base de cette histoire complexe, un groupe de fermiers adeptes de l'agriculture biologique en Idaho. Les agriculteurs craignaient que la luzerne transgénique plantée chez les voisins ne vienne contaminer la leur, destinée à l'alimentation animale.

 

On sait que le pollen voyage facilement. Le vent ou les abeilles, qui butinent sans discrimination dans un champ OGM ou dans un champ bio, peuvent provoquer une contamination accidentelle. Même l'industrie des biotechnologies agricoles l'avoue: il est impossible de réduire à zéro le risque de contamination. Or, une fois que des OGM touchent un champ bio, le fermier peut dire au revoir à sa certification. Les OGM sont aussi un sérieux frein à l'exportation. Certains marchés les interdisent parce que leurs effets à long terme sur la santé humaine sont toujours au coeur d'un débat émotif. Surtout en Europe.

Dans le cas de la luzerne, un juge fédéral de Californie avait d'abord tranché en 2006 en faveur du fournisseur de semences bios et des agriculteurs et imposé un moratoire sur la culture de luzerne transgénique Monsanto. Le département américain de l'Agriculture devait d'abord mesurer l'impact environnemental de cet OGM avant d'en permettre la commercialisation.

La Cour suprême a levé le moratoire cette semaine. Monsanto s'est réjouie de sa victoire. Toutefois, on interdit toujours la commercialisation de la plante jusqu'à la parution de cette fameuse étude. Techniquement, Monsanto ne pourra donc vendre sa luzerne transgénique tant que son innocuité ne sera pas prouvée.

La Cour suprême vient de plus d'ouvrir la porte à d'éventuelles poursuites en cas de contamination, estime le directeur de Greenpeace pour le Québec, Éric Darier, spécialiste des dossiers touchant les OGM.

Au Canada, la luzerne transgénique a été approuvée par Santé Canada, mais elle n'est toujours pas commercialisée.

«Il faut maintenant que le gouvernement canadien prenne acte de la décision de la Cour suprême américaine, dit Éric Darier, et qu'il interdise lui aussi la commercialisation de la luzerne OGM.»

Monsanto en Haïti

Monsanto n'en est pas à une controverse près. Le géant américain est devenu un symbole de la pénétration des OGM dans l'agriculture mondiale.

Au début du mois, des fermiers haïtiens ont protesté parce que la multinationale avait donné des semences à des fermes d'Haïti. Leurs protestations ont trouvé écho un peu partout en Occident et même ici, au Québec, où une coalition a réclamé l'annulation de l'envoi de semences Monsanto, qui ne sont par ailleurs pas génétiquement modifiées.

La multinationale américaine n'a pas tenu compte de ces protestations.

«Nos premiers envois sont déjà faits. Les fermiers ont déjà planté les semences», affirme Trish Jordan, porte-parole canadienne de Monsanto. Les autres cargaisons seront aussi envoyées comme prévu. «Il n'est pas question de changer les plans, indique Trish Jordan. Il s'agit d'un cadeau qui a été offert et accepté après des mois de discussions et de consultations. Les fermiers haïtiens ont grand besoin d'aide.»

Le don est supervisé par l'aide américaine sur place. Les semences ont été remises à des coopératives agricoles locales, qui les vendent au rabais aux fermiers.

Les détracteurs craignent qu'il s'agisse en fait d'un cheval de Troie. «C'est la façon de faire de Monsanto», croit Sébastien Rioux, instigateur de l'initiative Haïti, une semence, un pays, qui a acheminé des semences biologiques en Haïti. Selon lui, une fois les graines semées, les fermiers seront tentés d'acheter des herbicides et des engrais de la même société. Les plants que donnent les semences en question étant stériles, les fermiers n'en tireront pas de graines à ressemer l'année suivante. Les opposants estiment que cela créera une dépendance aux produits du géant des biotechnologies agricoles, ce qui empêchera Haïti de parvenir à la souveraineté alimentaire.

À quand le bol de riz transgénique?

Mercredi, la multinationale Bayer a demandé au gouvernement brésilien de suspendre le dossier de son riz transgénique LLRice62 pour des raisons administratives. L'arrivée probable du nouvel OGM est très contestée dans ce pays, pourtant l'un des principaux producteurs mondiaux d'OGM. Le Brésil a effectivement dépassé l'Argentine l'année dernière et est devenu le deuxième pays producteur de cultures transgéniques après les États-Unis. Bayer y travaille d'ailleurs à la mise au point d'une canne à sucre transgénique.

Pour l'instant, le riz transgénique n'est pas commercialisé. On risque néanmoins de voir dans un proche avenir des rizières où poussera le premier riz transgénique destiné à la consommation humaine. En Chine, principal producteur et consommateur de riz au monde, huit variétés de riz transgénique seraient à l'étude.

 

Principaux pays producteurs d'OGM

États-Unis: 64 millions d'hectares

Brésil: 21,4 millions d'hectares

Argentine: 21,3 millions d'hectares

Inde: 8,4 millions d'hectares

Canada: 8,2 millions d'hectares

Principales cultures transgéniques

1 Soya 2 Maïs 3 Coton 4 Canola

Les OGM sont présents dans les champs de 25 pays

Deux nouveaux pays ont adopté les OGM l'année dernière - le Japon et le Costa Rica -, mais la progression de ce type de culture a légèrement ralenti en Europe, à cause notamment de l'Allemagne, qui l'a banni.

Source: International Service for the Acquisition of Agri-Biotech Application