Au Québec, six femmes sur dix cherchent à maigrir ou, à tout le moins, à contrôler son poids. Du nombre, 17 % utilisera un produit ou un service amaigrissant. Et parmi celles-là, une importante partie a déjà un poids santé.

Les femmes sont extrêmement fragiles lorsqu'il est question de poids et l'industrie de l'amaigrissement ne se prive pas de profiter de leur vulnérabilité, estime Émilie Dansereau, de l'Association de santé publique du Québec, qui a voulu dresser un portrait-robot de la consommatrice de produits amaigrissants. «On doit se demander si l'industrie de l'amaigrissement fait partie du problème ou de la solution», avance Lyne Mongeau, diététiste au ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. «C'est la seule industrie qui vit de ses échecs», dit-elle.

Au Québec, en 2008, l'Institut national de santé publique a donné un Avis scientifique sur les bénéfices et risques associés à l'utilisation des produits, services et moyens amaigrissants. Le jugement est sans appel : les produits naturels pour maigrir peuvent être toxiques, engendrer des atteintes hépatique ou rénales, des problèmes cardiaques ou digestifs ou même la mort. De plus, les emballages possèdent souvent une déclaration incomplète ou trompeuse.

«Pour l'industrie, la forte demande couplée à un contexte d'absence de réglementation et de sanctions, constitue presque, pour les promoteurs sans scrupule, une invitation à en profiter», estime Lyne Mongeau, qui a participé à la rédaction de l'Avis.

Les professionnels de la santé sont très préoccupés par le manque d'encadrement pour l'industrie des produits et services amaigrissants. L'année dernière, les médecins canadiens ont sonné l'alarme : dans un éditorial du Journal de l'Association médicale, ils réclamaient qu'Ottawa s'attaque au problème et élabore une réglementation.

«Il y a deux options, explique le Dr Yoni Freedhoff, signataire de l'éditorial. La première serait une réglementation formelle, mais je ne crois pas que cela soit possible. Seulement au Canada, l'industrie de l'amaigrissement est une industrie de plusieurs milliards de dollars. Les industries si puissantes ne se laissent pas bousculer si facilement.»

En 2008, le marché de l'amaigrissement était estimé à plus de 62 milliards de dollars aux États-Unis, selon une étude du groupe Marketsand Markets Research qui évalue aussi que le marché mondial de l'amaigrissement atteindra 624 milliards de dollars en 2014.

«La deuxième option serait ce que j'appelle une «réglementation souple», poursuit le Dr Freedhoff. Un groupe indépendant établirait un système d'audit pour les groupes professionnels et non-professionnels de l'industrie de l'amaigrissement.» Les organisations et produits seraient passés à la loupe et ceux qui rencontrent les critères recevraient un sceau d'approbation. Les personnes qui cherchent un service pourraient alors se tourner vers ceux qui ont passé le test, en sachant qu'ils ne font pas affaire avec des charlatans.

Réponse d'Ottawa, un an après la demande des médecins ? «Nous tentons de déterminer si le gouvernement fédéral devrait mieux protéger les Canadiens contre les techniques et les produits d'amaigrissement douteux et les aider à trouver des renseignements et des services sûrs pour mieux contrôler ou diminuer leur poids», indique la représentante de l'Agence de santé publique du Canada.

Pilules magiques et cure de désintoxication

L'Association médicale canadienne en a aussi contre la vente libre de produits prétendants des vertus amaigrissantes. D'autant qu'ils se retrouvent sur les tablettes avec une approbation temporaire de Santé Canada.

«C'est une obscénité», tranche le Dr Freedhoff, qui déplore la vente de cures de désintoxication et autres comprimés aux prétentions amaigrissantes qui n'ont pas été évalués par des professionnels compétents.

Santé Canada évalue les produits qui peuvent poser un danger en priorité ou s'il y a des plaintes. Hors dans le cas des produits amaigrissants, explique Émilie Dansereau, il n'y a pas de plainte. D'abord leurs utilisatrices ont souvent honte de se tourner vers des produits dont elles-mêmes doutent de la fiabilité. Ensuite, elles n'iront pas se plaindre de ne pas avoir perdu de poids ou d'avoir eu un malaise après avoir triplé la dose.

L'Association de santé publique du Québec a passé sous la loupe 213 produits et services d'amaigrissement, l'année dernière. «C'est impossible de tous les recenser, car il y en a trop : il en apparaît un à tous les jours», explique Émilie Dansereau. Plus de 90 % des produits n'avait pas de numéro de produit de santé naturel, sceau d'approbation de Santé Canada.

Parmi tous les produits analysés, un seul prônait une approche combinant à la fois l'alimentation, l'activité physique et la modification des comportements et 84 % contenait au moins un ingrédient dont l'innocuité n'a pas été prouvée.

Suite à cette évaluation, l'Association québécoise recommande d'éviter les produits, les services et les moyens amaigrissants. Elle a aussi déposé des plaintes contre quatre produits supposément amaigrissants l'année dernière. Un a été retiré du marché puisqu'on a trouvé qu'il contenait des médicaments. Les autres sont toujours en vente.

«Qu'est ce qu'on attend pour retirer ces produits ? Un mort ? Il y a des risques réels pour la santé», maintien Émilie Dansereau.

Ce qui est d'autant plus délicat, avec ce genre de produits, est que ses utilisatrices ont tendance à tricher la posologie, pour optimiser les effets prétendus.

Pour tester les fameux produits, Émilie Dansereau a fait le tour de plusieurs commerces. Elle se retrouvait fréquemment à la caisse avec un cocktail de plusieurs pots de comprimés aux prétentions amaigrissantes. Jamais un commis ne lui a posé de questions sur ses intentions, avec un tel assortiment.

Les pharmacies devraient-elles conserver ces produits derrière le comptoir, sous la vigile des pharmaciens qui ne laisseraient pas un patient partir avec une évidente surdose ? Un professionnel de la santé pourrait aussi identifier une patiente qui a un problème de comportement et la référer vers des services compétents.

«Non! Ça serait comme vendre du Jell-O en prétendant que ça guérit le cancer! Tous les produits qui n'ont pas fait leurs preuves devraient être retirés du marché, tranche le Dr Yoni Freedhoff. Les gens achètent de l'espoir. Si ces produits fonctionnaient vraiment, tout le monde serait mince et je devrais me trouver un

autre boulot.»

Les femmes qui utilisent des produits et services amaigrissants sont...

Mamans : Quatre sur cinq ont au moins un enfant

Jeunes : Plus de la moitié ont entre 35 et 54 ans

Minces : Quatre sur dix ont un poids normal ou insuffisant

Éduquées : Une sur trois a un diplôme postsecondaire

Tenaces : Chacune fait au moins deux tentatives de perte de poids par année

Source : Coalition québécoise sur la problématique du poids