La semaine dernière, c'était des producteurs bios d'Europe qui craignaient de perdre leur marché ; maintenant, ce sont les pêcheurs canadiens qui sont dans le pétrin. Le lien? La récession, qui a biffé des listes d'épicerie la viande certifiée biologique et le homard. «On s'attend à ce que 2009 soit une année très difficile «, prédit Christian Brun, de l'Union des pêcheurs des Maritimes, de Shediac, au Nouveau-Brunswick. Déjà dans le pas du homard, l'année dernière, les prix ont été très bas. Les fruits de mer, explique-t-il, sont des produits de luxe. «Les restaurants sont d'importants acheteurs de poisson, poursuit- il. Et pour eux aussi, les choses vont au ralenti. C'est une crise mondiale, qui touche tout le monde.»

Les trois quarts des prises canadiennes sont exportés, surtout aux États-Unis. Une partie des produits de la mer fait encore le chemin jusqu'en Asie, surtout vers le Japon. «Est-ce que le Japon va acheter autant de hareng en 2009? demande Christian Brun. Rien n'est moins sûr.» Reste le marché canadien, où il y a effectivement place à l'amélioration. Car si la consommation de poisson a légèrement augmenté au Canada, celle des fruits de mer est en diminution depuis 2000. Et pour le poisson, la consommation par habitant est nettement sous les deux portions hebdomadaires recommandées par les professionnels de la santé. «Les gens prennent des capsules d'oméga 3 et oublient de manger du poisson frais, estime Christian Brun, qui croit que la crise économique fera inévitablement diminuer la consommation de poisson. Il faut que les consommateurs pensent à nous quand ils sont à l'épicerie. En plus, on a les meilleurs produits de la mer. «

 

Au Nouveau-Brunswick, la saison du homard a déjà commencé pour une partie des pêcheurs d'hiver. La plupart reprennent plutôt la mer en mars. «Il faudra voir le prix. S'il est sous le seuil de la rentabilité, plusieurs pêcheurs vont se demander s'ils iront en mer ou s'ils vont couper du bois avec leur frère.» Au Québec, la pêche au homard commence fin avril en Gaspésie et début mai aux Î les-de-la- Madeleine. Celle de la crevette et du crabe, un peu plus tôt. Selon Jean-Paul Gagné, président de l'Association de l'industrie de la pêche du Québec, la crevette risque aussi d'être en crise, à moins que son petit sceau «éthique» ne vienne la sauver. Car la crevette québécoise a obtenu en 2008 son accréditation de la Marine Stewardship Council, qui assure qu'elle a été pêchée selon des principes de pêche durable. Si, ici, le sceau est très peu connu du grand public, il commence à être très populaire en Europe. En Grande- Bretagne, certaines épiceries n'acceptent que des fruits de mer qui portent le sceau. Même les McDonald's anglais n'utilisent que du poisson certifié dans leurs sandwichs!

Il faudrait commencer à aquérir ce réflexe ici aussi, estime Jean- Paul Gagné. Pour relancer l'achat de produits de la mer, l'industrie de la pêche du Québec travaille aussi à mettre en valeur le marché local. Les pêcheurs sont en train de créer des campagnes de promotion audacieuses, pour rappeler que l'achat local existe aussi chez le poissonnier.