Un enfant qui souffre d'arthrite? C'est malheureusement le cas de plus de 24 000 jeunes Canadiens de moins de 16 ans. Et c'est justement pour faire connaître cette maladie auto-immune que la Société de l'arthrite a décidé de lancer une bédé explicative sur le sujet.

Ils s'appellent les Médikidz. Leur mission est d'éclairer la jeune Éléanor sur les différentes manifestations de sa maladie: l'arthrite juvénile idiopathique (AJI), une inflammation chronique des articulations qu'on associe habituellement au vieillissement. Derma est la spécialiste de la peau, Pump, celui du coeur, QI, celui des poumons, Gastro, celui des intestins, et Axon, celui du cerveau.

Qu'est-ce qui se passe exactement dans les articulations? Comment réagit le système immunitaire? Qu'est-ce qui provoque l'usure du cartilage? Quelles sont les différentes formes d'arthrite? Les traitements privilégiés? Voilà quelques-unes des questions auxquelles ces superhéros de la planète Médiland tentent de répondre non sans un certain humour.

La bande dessinée créée avec la maison d'édition anglaise Médikidz, spécialisée dans l'éducation médicale pour enfants, s'ajoute à une collection de près d'une cinquantaine d'autres bédés explicatives publiées depuis 2009 - sur l'asthme, le diabète, la leucémie, l'épilepsie, etc. Chaque fois, nos superhéros s'affairent à expliquer aux jeunes le b.a.-ba de ces maladies.

La dernière aventure des Médikidz traitant de l'arthrite juvénile sera diffusée sur le site de la Société de l'arthrite dès le mois de septembre.

Une forme rare d'arthrite

Abigaël avait 9 ans lorsqu'elle a appris qu'elle souffrait d'une forme rare d'arthrite: la polycondrite chronique. Selon sa mère Myriam Ruel, l'enfant avait pour unique symptôme une toux intense. Après avoir consulté un pneumologue et un ORL, elle a finalement été dirigée vers une rhumatologue, la Dre Sarah Campillo, qui a confirmé le diagnostic.

«Dans son cas, la maladie affecte directement le cartilage du système respiratoire (larynx, trachée et bronches), nous explique la Dre Campillo, de l'Hôpital de Montréal pour enfants. Habituellement, c'est la membrane qui enveloppe l'articulation qui est affectée. C'est une forme assez rare d'arthrite que l'on traite avec une combinaison d'anti-inflammatoires et d'immunosuppresseurs.»

La jeune fille aujourd'hui âgée de 13 ans a aussi des problèmes d'articulations aux genoux et aux poignets. Elle avoue avoir passé de durs moments au cours des dernières années, sa maladie la limitant dans ses activités, l'empêchant carrément par moments de marcher. Une épreuve d'autant plus douloureuse qu'elle survient en pleine adolescence.

«Le plus difficile est de ne pas trop forcer et de connaître ses limites quand on a trop mal. Il faut respecter la douleur.»

«Quand j'ai reçu mon diagnostic, par exemple, j'ai dû complètement arrêter de jouer au soccer. L'une des meilleures façons d'y arriver est de bien comprendre ce qui nous arrive et d'en parler autour de soi», poursuit Abigaël.

En ce sens, la jeune Sherbrookoise a adoré la bédé des Médikidz, qui permet aux jeunes de comprendre ce qui leur arrive et de trouver les bons mots pour décrire ce qu'ils vivent. «Il faut en parler, insiste-t-elle. Moi, j'ai dû le faire parce qu'avec la médication, il y a beaucoup de changements et les gens ne comprennent pas ce qui se passe...»

Ces changements sont essentiellement dus aux effets secondaires des anti-inflammatoires (des corticostéroïdes dans son cas) qui ralentissent la croissance et provoquent de l'enflure. Malgré tout, Abigaël est aujourd'hui en période de rémission. «J'ai pu recommencer à pratiquer des sports sans contacts comme le tennis. J'ai aussi fait un petit triathlon cette année.»

Pas de cause connue

Comme pour la plupart des maladies auto-immunes, on ne connaît pas les causes de l'arthrite juvénile (d'où l'adjectif «idiopathique»), mais on sait qu'elle est plus fréquente chez les filles (trois filles pour un garçon!). Au Canada, ce sont 3 enfants sur 1000 qui en souffrent - au moins 1 jeune par école, précise la Dre Campillo.

Selon la Dre Campillo, qui a fondé en 2004 le camp d'été ArticulAction, destiné aux enfants souffrant d'AJI, la bédé de Médikidz est un outil additionnel pour les médecins qui cherchent à vulgariser des informations médicales parfois complexes.

«Ça permet vraiment aux enfants de mieux comprendre ce qui se passe dans leur corps. C'est aussi très bien expliqué [car le contenu est rédigé par des médecins].»

La rhumatologue du CUSM fait le parallèle avec l'arthrite qui touche les adultes - l'une des principales causes d'invalidité au Canada.

«Chez les personnes plus âgées, on parle davantage d'arthrose, qui est un vieillissement prématuré des articulations, notamment chez les athlètes ou les personnes souffrant d'obésité, tandis que l'arthrite juvénile, c'est le système immunitaire qui s'attaque inopinément à la membrane synoviale qui entoure l'articulation, augmentant la fabrication du liquide qui se trouve à l'intérieur. C'est ce qui cause la douleur.»

Chaque enfant est différent parce qu'il y a plus d'une centaine de formes d'arthrite, certaines plus légères, d'autres plus sévères, selon la Dre Campillo. La plus fréquente, avec 40 % des cas, est l'arthrite oligoarticulaire, qui touche au moins quatre articulations. Un diagnostic est posé habituellement avant l'âge de 6 ans, précise la rhumatologue.

Des traitements efficaces

Selon la Dre Sarah Campillo, les traitements privilégiés pour soigner les différentes formes d'arthrite juvénile se sont beaucoup améliorés au fil des ans. Elle évoque l'utilisation du méthotrexate - un immunosuppresseur utilisé depuis les années 80 - et les injections de corticostéroïdes dans l'articulation, mais elle se réjouit surtout des nouveaux agents biologiques.

«Ce sont des médicaments qui ciblent les molécules produites en trop grand nombre dans les articulations, explique-t-elle. Ça fait une quinzaine d'années qu'on travaille sur ces traitements qui sont de plus en plus efficaces. L'accès à ces traitements combiné au travail de réadaptation fait en physiothérapie et en ergothérapie fait en sorte que les jeunes fonctionnent à peu près normalement aujourd'hui. Même si les causes exactes demeurent inconnues, c'est tout de même encourageant.»