Réservés aux adultes, les centres d'entraînement? Détrompez-vous! Au Petit Gym, on accueille des abonnés âgés d'à peine 4 mois. La compagnie américaine compte 300 franchises dans 19 pays, dont maintenant six au Québec. La «gym» pour bambins a la cote, ici comme ailleurs.

Dès l'âge de 4 ans, environ un enfant québécois sur sept présente un surplus de poids. Et selon une étude publiée dans The Lancet (2004), les enfants écossais âgés de 3 à 5 ans consacrent 80% de leurs temps à des activités sédentaires, et seulement 2 à 4% à des activités physiques intenses. Trop sédentaires, les tout-petits sont - eux aussi! - invités à bouger davantage.

À Liverpool, en Grande-Bretagne, on prend les grands moyens. Depuis le mois dernier, les enfants de moins de 5 ans ont un accès gratuit à 13 centres de conditionnement physique. Le programme Futures propose notamment de la danse et des jeux de ballon. «C'est notre devoir d'offrir à nos enfants un départ dans la vie en santé», a déclaré un responsable au journal The Guardian. Environ la moitié des enfants de 11 ans de Liverpool font de l'embonpoint.

«Les experts en activité physique commencent à peine à s'intéresser à la clientèle d'âge préscolaire, c'est très nouveau», indique Paul Boisvert, porte-parole de la Fédération des kinésiologues du Québec et coordonnateur de la Chaire de recherche sur l'obésité de l'Université Laval. «On se rend compte que les jeunes enfants, qu'on croyait actifs, sont aujourd'hui moins stimulés, surprotégés et déjà très portés sur les jeux vidéo», indique Marc Brunet, directeur de la clinique de kinésiologie de l'Université Laval.

Cette sédentarité a des effets immédiats. «On voit des faiblesses chez les jeunes Québécois, affirme Marc Brunet. À 5 ans, certains enfants ont des problèmes de motricité globale, ils ont de la difficulté à se lever, à courir. Ils manquent de force musculaire. Il est important d'intervenir tôt.»

Santé Canada recommande aux enfants de bouger de façon modérée ou intense au moins 90 minutes par jour. «Il faut additionner toutes les périodes de jeu de 10 à 15 minutes», précise Marc Brunet.

Constatant un manque d'outils dans les CPE, les services de garde et les classes maternelles, Marc Brunet et sa collègue Peggy Gendron ont conçu la trousse Gigote, destinée aux enfants de 2 à 6 ans. Depuis un an, 28 000 petits Québécois ont fait la connaissance de l'écureuil Gigote. À Montréal, le programme Le tour du monde de Karibou (en 10 semaines) propose aussi des activités sur mesure pour les enfants de 1 à 4 ans. «On offre des possibilités de bouger, dans un contexte libre, propice à l'imagination», résume Marc Brunet.

Au-delà de la lutte contre l'obésité, l'activité physique chez l'enfant préscolaire s'avère bénéfique pour la motricité globale, la coordination, l'équilibre, l'endurance musculaire, l'estime de soi, la capacité d'interagir en groupe, l'apprentissage de règles, la capacité aérobique et même l'humeur. L'attention serait aussi améliorée après une séance de bougeotte.

Tant que ça ne tourne pas à l'obsession. «C'est bon tant que l'enfant peut explorer, découvrir et user de son imagination, insiste François Trudeau. On ne gagne pas à être trop directif, axé sur la performance ou la perte de poids. La notion de jeu et de plaisir doit être centrale.»

Prévenir l'obésité

«L'obésité est un problème causé par de multiples facteurs et souvent lié aux habitudes des parents, soutient Angelo Tremblay, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en activité physique, nutrition et bilan énergétique. On voit des bébés plus potelés, qui sont nés de mères qui fumaient. Les bébés de petit poids ont tendance à compenser dans les années suivantes.» Si la malbouffe et le manque d'exercice font partie du problème, le manque de sommeil, la baisse de la consommation de lait chez les enfants et le stress sont aussi en cause, fait-il remarquer.

Trop tôt, 4 mois?

La «gym» dès 4 mois, comme au Petit Gym, est-ce trop tôt? Professeur au département des sciences de l'activité physique de l'Université du Québec à Trois-Rivières, François Trudeau est de cet avis. «C'est un peu rapide. Ça va contre la spontanéité des expériences. Qu'a-t-on à gagner à ce que notre enfant s'assoie plus droit que les autres? Il faut respecter le rythme de l'enfant. Certains sont programmés pour ramper plus tôt, d'autres plus tard. Ça ne donne rien de forcer les choses.»

Marc Brunet, directeur de la clinique de kinésiologie de l'Université Laval, est plus nuancé. «La stimulation du bébé est bonne, c'est reconnu.» À condition d'y aller doucement, sans pression. «On peut stimuler notre enfant à la maison, mais si des parents préfèrent les cours de groupe, pourquoi pas. Après l'accouchement, les mères veulent sortir. En faisant une activité avec leur enfant, elles joignent ainsi l'utile à l'agréable.» Comme la natation ou le yoga pour mamans et bébés.