Surf, expéditions, courses, yoga, pêche, camping, la pratique de la planche à pagaie s'est grandement diversifiée au cours des dernières années. Suivez le guide pour découvrir comment ce sport aquatique connaît une des plus fortes croissances en Amérique du Nord.

De sport inconnu à maître sur l'eau

En l'espace de quelques années, la planche à pagaie, auparavant méconnue, est devenue omniprésente sur les plans d'eau du Québec. Mais comment ce sport à mi-chemin entre le surf et le kayak a-t-il connu une si forte croissance ?

C'est à Montréal, en 2007, que la première école de planche à pagaie - appelée SUP pour Stand Up Paddleboard dans le jargon - a vu le jour au Canada, lorsque Hugo Lavictoire, propriétaire de l'entreprise KSF, a décidé d'ajouter cette activité aux cours de surf et de kayak de rivière qu'il offrait. Une décision qu'il n'a jamais regrettée. « On connaît une croissance de 10 à 15 % par année, et le chiffre d'affaires de l'entreprise a quadruplé depuis 10 ans », note l'entrepreneur, qui a profité de l'engouement pour le sport pour ouvrir trois nouvelles succursales depuis 2011 (parc Jean-Drapeau, Verdun et Cap Saint-Jacques).

Le sport a connu une telle expansion qu'il représente désormais plus de 50 % du chiffre d'affaires de KSF, qui attend une clientèle de près de 5000 adeptes cet été et a 125 planches en location. « Il y a encore de la place à l'expansion, parce qu'il y a encore beaucoup de gens qui ne savent pas que ça existe », soutient Hugo Lavictoire.

En pleine expansion

Selon une recherche menée par la firme d'analyse Technavio, le marché mondial de la planche à pagaie continuera de croître de 15 % par année jusqu'en 2020 pour atteindre une valeur de près de 10 milliards US, soit le double de la taille du marché en 2015. Autre fait intéressant noté dans l'étude, 49 % des adeptes sont des femmes.

« Tout le monde peut faire de la planche à pagaie et avoir de belles sensations en moins de 15 minutes », estime Dominique Vallée, propriétaire de DoSport, entreprise spécialisée dans la planche à pagaie. En plus de donner des cours, elle a rapatrié la fabrication des planches à pagaie rigides au Québec en 2017, et les commandes ont plus que doublé pour la production en 2018. « Il y a beaucoup d'intérêt pour des produits fabriqués ici », ajoute la femme qui a fait partie de l'équipe canadienne de planche à voile avant de se lancer en affaires.

Au-delà de la balade sur un plan d'eau calme, les adeptes de la planche à pagaie ont su s'approprier le sport pour diversifier la pratique. C'est ainsi que l'on trouve de plus en plus de cours de yoga et d'entraînement physique sur les planches, mais aussi des descentes de rivière, des courses ou du surf. « Ce sont de bons moyens pour amener le sport à un autre niveau, mais il faut le faire de manière sécuritaire », remarque Hugo Lavictoire.

Le nombre d'écoles explose

Pour appuyer le sport dans sa croissance et professionnaliser la pratique, l'organisme Eau Vive Québec, qui supervisait déjà le kayak et le surf, a pris la planche à pagaie sous son aile en 2016, explique sa directrice générale, Julie Crépeau-Boisvert. « C'est fou comment le sport grandit rapidement », lance-t-elle. Au cours des cinq dernières années, le nombre d'écoles de planche à pagaie a été multiplié par 5, pour atteindre 50 en 2018. Pendant la même période, le nombre d'instructeurs formés avec le programme de Pagaie Canada est passé de 10 à plus de 300 au Québec.

De ce nombre, plus de 200 personnes ont été formées par Pop Spirit, une entreprise qui se spécialise dans la formation d'instructeurs et dans les aventures en SUP. « La demande a explosé depuis trois ans », soutient Marie-Ève Bertrand, propriétaire de l'entreprise, qui offre plusieurs sorties, dont une escapade aux baleines sur la Haute-Côte-Nord.

Ces instructeurs se retrouvent ensuite dans les écoles de SUP, mais aussi dans les camps de vacances, les centres touristiques, les écoles multisports et les camps de jour. La SEPAQ a aussi pris la vague de la planche à pagaie en offrant des locations dans 14 parcs nationaux et à la Station touristique Duchesnay.

Chez le fabricant Pelican, leader mondial des sports nautiques non motorisés, les ventes de planches à pagaie ont dépassé les ventes de canots et de pédalos il y a déjà quelques années, soutient Vincent Bédard, directeur des communications et du marketing. Après des années de croissance de plus de 10 %, l'engouement pour leurs planches bon marché, lourdes et solides, a toutefois légèrement diminué depuis deux ans, note ce dernier.

Des compétitions

Le sport a atteint une telle maturité que l'on voit de plus en plus d'évènements ou de courses de planche à pagaie, ajoute Julie Crépeau-Boisvert, en citant en exemple le Challenge Outrigger du Grand Montréal.

Pour sa 85e présentation qui aura lieu du 31 août au 3 septembre, la Classique internationale de la Mauricie, qui accueille des courses de canots, de kayaks et de rabaskas, a décidé d'ouvrir la compétition aux planches à pagaie pour la première fois en lançant une course de 50 km entre Shawinigan et Trois-Rivières sur la rivière Saint-Maurice. « Pour l'instant, on a plus d'inscriptions en planche à pagaie que dans les autres disciplines, indique Stéphane Boileau, directeur général de la Classique. C'est au-delà de nos espérances et ça démontre que le sport est bel et bien là pour de bon. » Deux catégories de course, loisir et compétition, seront offertes aux adeptes selon leur niveau de compétences.

La petite histoire de la planche à pagaie

Des planches de différents formats sont utilisées depuis des millénaires par des peuples côtiers en Polynésie, en Afrique et en Amérique du Sud pour se déplacer ou pour pêcher, mais ce n'est que depuis les années 40 que la planche à pagaie « moderne » a fait son apparition à Hawaii. À l'époque, c'est l'instructeur de surf Duke Kahanamoku et ses comparses qui ont commencé à pagayer sur leurs planches. Le sport a longtemps été ignoré, et il a fallu attendre à 2003, lors d'une compétition à Hawaii, pour qu'il prenne son réel essor.

Descendre des rivières en planche à pagaie

Après avoir maîtrisé la planche à pagaie sur un lac tranquille, le sport offre aussi du potentiel de sensations fortes lors de descentes de rivière. Et tant qu'à y être, pourquoi ne pas en profiter pour surfer dans les rapides ! Récit.

« Quand tu descends un rapide, tu dois toujours garder ta pagaie dans l'eau », lance d'emblée Kamille Brideau, guide de planche à pagaie pour Cime Aventures, qui offre des descentes de 20 km sur la rivière Bonaventure, en Gaspésie. « Il faut que tes pieds soient bien ancrés sur ta planche et que tu regardes au loin pour garder un bon équilibre. Dernier truc : tu dois rester mou si tu tombes et tu dois garder le sourire », explique-t-elle avant de s'engager sur la rivière pour réviser les techniques de pagaie sur la planche.

Après avoir reçu les bons conseils de Kamille, nous nous lançons à notre tour sur la rivière.

Au départ, l'eau est calme, mais nous avançons tout de même à vive allure, puis les sensations fortes commencent dès que les premiers clapotis viennent frapper sur la planche. L'équilibre devient alors de plus en plus précaire, et il faut compenser constamment en faisant des appuis avec la pagaie.

Au loin se dessine le rapide le Malin, de force R2, qui commence avec une grosse vague. « Pour la première fois, c'est plus facile de descendre le rapide à genoux », conseille Kamille avant de s'agenouiller elle-même sur sa planche. On arrive à maintenir l'équilibre et à enfiler dans le train de vague qui suit avant d'aller prendre le contre-courant pour accoster sur la plage.

Après un bref repos, on s'attaque au rapide debout sur la planche, sans se mouiller ! Une belle réussite pour un néophyte en planche à pagaie en rivière ! Pendant près de deux heures, on répétera ce petit jeu, en s'attaquant aux reprises de courant, avant de descendre les quelques kilomètres d'eau turquoise qui nous séparent du camp de base de Cime Aventures.

Règles de sécurité

Il est important d'être bien encadré pour pratiquer la descente en rivière, surtout dans les rapides, car de petits obstacles peuvent rapidement virer au cauchemar, remarque Dominique Vallée, propriétaire de DoSport, qui organise des sorties de SUP en rivière sur la Saint-Maurice, la Maskinongé et d'autres rivières de la Mauricie. « Il y a beaucoup de gens insouciants qui se lancent en rivière sans connaître les règles de sécurité à suivre », dit-elle.

Par exemple, il est important d'utiliser une laisse à dégagement rapide située à la taille, plutôt qu'une laisse standard à la cheville, car une corde peut poser des risques énormes en rivière, surtout si elle reste coincée dans une roche ou une branche, remarque l'entrepreneure, qui conseille de toujours porter un habit de néoprène pour se garder au chaud et pour se protéger. De plus, il est important de porter un casque, surtout dans les secteurs rocheux, ajoute Hugo Lavictoire, fondateur de KSF, qui organise des sorties d'initiation de 12 km sur le fleuve Saint-Laurent le jour, le soir et les nuits de pleine lune, où il n'y a aucun rapide.

Une solide base

« Il faut avoir une solide base en eau calme avant de se lancer en rivière, dit-il. Pour bien maîtriser la planche dans le courant, il faut par exemple maîtriser les appels, les débordés, les appuis, la gîte et les pivots. Il faut aussi apprendre à tomber à l'eau de façon sécuritaire, à remonter sur la planche, et connaître les techniques de sauvetage de base en rivière. »

Si la pratique en rivière est plus facile lorsqu'on maîtrise ces techniques avancées, le sport n'est pas pour les gens extrêmes seulement, remarque Hugo Lavictoire. « On sent un gros engouement pour les sorties en rivière qui durent une journée complète, avec une formation technique le matin », explique-t-il.

Après avoir maîtrisé la descente, il est encore possible de repousser ses limites en surfant les vagues, lance Hugo Lavictoire, qui offre des cours pour maîtriser le surf à pagaie en rivière. Comme quoi la planche à pagaie peut satisfaire les adeptes d'aventures douces et les fervents d'adrénaline.

Des rivières à tester

• Fleuve Saint-Laurent avec KSF Rivière

• Rivière Saint-Maurice avec DoSport

• Rivière Bonaventure avec Cime Aventure

• Rivière Rouge avec SUP Rivière-Rouge

• Rivière Matapédia avec Nature Aventure