Plusieurs alpinistes se donnent comme but de conquérir les sommets des sept continents. Mais les randonneurs aux ambitions plus modestes peuvent aussi se munir de listes de sommets à atteindre. Ce sont des montagnes intéressantes qu'on peut souvent gravir en une journée à partir de Montréal. Tour d'horizon.

Bottines aux pieds, liste en poche

Le sommet, totalement boisé, n'est pas très impressionnant. La vue est pratiquement inexistante. Et pourtant, une bonne dizaine de randonneurs se pressent près du rocher qui marque le point culminant du mont Gray, la septième montagne des Adirondacks, dans le nord de l'État de New York.

La plupart sont là pour cocher ce sommet sur une liste particulièrement populaire auprès des randonneurs: les 46 sommets des Adirondacks qui atteignent ou dépassent 4000 pieds (1219 mètres).

«Chacun a ses raisons pour faire cette liste, explique Luc Massicotte. Pour certains, c'est le défi physique. Pour moi, c'est la découverte de nouvelles montagnes.»

Lorsqu'il a commencé à faire de la randonnée dans les Adirondacks, M. Massicotte ignorait l'existence de cette liste. Il avait ses montagnes préférées, comme le mont Gothics, qu'il gravissait encore et encore.

«Ce qui a déclenché pour moi l'idée de faire les 46, c'est lorsque j'ai fait les Seward [un groupe de montagnes à l'ouest des sommets les plus populaires des Adirondacks], raconte-t-il. J'ai tellement aimé ça: c'était loin de tout et c'était intéressant de faire autre chose.»

Pour sa part, Badri Salarpour a entrepris de gravir chacun des 46 sommets parce qu'elle voulait faire de la randonnée chaque fin de semaine et qu'elle ne voulait pas répéter les mêmes montagnes.

Après avoir gravi les 46 sommets des Adirondacks, elle s'est attaquée à une autre liste, celle des 48 sommets de plus de 4000 pieds des montagnes Blanches, au New Hampshire. Elle ne s'est pas arrêtée là.

«Une fois qu'on a fait les 46 des Adirondacks et les 48 des montagnes Blanches, il ne reste pas grand-chose à faire pour compléter la liste des 115 sommets de plus de 4000 pieds du nord-est des États-Unis», indique-t-elle.

Tout comme Luc Massicotte, elle a finalement complété cette importante liste, qui comprend également 5 sommets dans les montagnes Vertes du Vermont, 14 sommets dans le Maine et 2 sommets dans les Catskills, au centre de l'État de New York.

«Il y a un côté psychologique, affirme-t-elle. Ça donne un but, ça donne confiance en soi parce qu'on voit ce dont on est capable. C'est très gratifiant.»

Plusieurs des sommets de cette liste ne sont pas dotés de sentiers officiels. On y trouve parfois des semblants de sentiers tracés par les randonneurs eux-mêmes, mais ils ne sont pas balisés.

«Tu peux te perdre, note Mme Salarpour. Ça ajoute un défi, tu te mets à l'épreuve, tu apprends à lire une carte. Ça te permet de sortir de ta zone de confort.»

Luc Massicotte apprécie également toute la logistique que nécessite l'organisation d'une randonnée vers les sommets les moins populaires et les plus éloignés. «C'est surtout ça qui me motive à cocher des listes», affirme-t-il.

Par exemple, le parc Baxter, dans le Maine, qui compte trois sommets de plus de 4000 pieds, dont le fameux mont Katahdin, se situe au milieu de nulle part, à environ huit heures de route de Montréal. Il n'est pas toujours facile de réserver un bon site de camping dans le parc et si la météo ne coopère pas, on peut se retrouver Gros-Jean comme devant.

Badri Salarpour aime également le sentiment d'appartenance que procure le fait de compléter ces listes. Souvent, les randonneurs communiquent entre eux via les réseaux sociaux pour se donner des conseils.

«J'ai développé des amitiés avec des gens aux États-Unis, indique-t-elle. Cela nous donne de bons sujets de conversation avec des gens qui partagent la même passion.»

Les sommets du Canada

Ils ne sont pas seuls. Bruno-Pierre Couture est également un amateur de listes.

«Mon problème dans la vie, c'est que je veux tout faire, explique-t-il. Mais on ne peut pas être à cinq places en même temps. J'ai donc des listes pour des projets de grimpe, des randonnées de ski, etc. Je regarde les conditions météo et je me demande ce que je ferai aujourd'hui. Ça me permet de garder le focus.»

M. Couture s'est muni d'une liste particulièrement ambitieuse: les sommets des 10 provinces canadiennes. Il entend traverser le Canada d'ouest en est à la fin de septembre et gravir les divers points culminants. Il invite toutes les personnes intéressées à se joindre à lui pour un ou plusieurs sommets.

«Dans ma liste, ce qui me fait le plus tripper, c'est la Saskatchewan: on va se stationner à 75 mètres du top de la province. C'est dans un champ, il n'y a même pas de sommet», s'amuse-t-il.

Il garde deux sommets pour le printemps prochain: Fairweather, en Colombie-Britannique, et D'Iberville/Caubvick, dans le nord du Québec. Ce dernier sommet constitue le point culminant de deux provinces, le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador.

Quant à Badri Salarpour, elle a entamé une nouvelle liste, les «52 with a view»: ce sont 52 sommets du New Hampshire qui n'atteignent pas 4000 pieds mais qui offrent de beaux points de vue.

«Quand j'aurai fini, je ne sais pas ce que je vais faire», se désole-t-elle.

La liste des 46 sommets des Adirondacks: http://adk46er.org/peaks.html

La liste des 48 sommets des Montagnes blanches: http://4000footers.com/nh.shtml

La liste des 115 sommets du Nord-Est américain: http://www.lesiteayvon.com/Northeast111.html

Quand la tradition et la réalité s'affrontent

C'est au début du siècle dernier que les randonneurs ont commencé à dresser la liste des 46 sommets des Adirondacks mesurant plus de 4000 pieds (1219 mètres) à partir des relevés de l'époque. Au cours des années, des milliers de randonneurs ont complété la fameuse liste. Mais voilà, des relevés plus récents ont révélé que quatre de ces sommets étaient en fait moins élevés que 4000 pieds. Certains relevés récents ont même indiqué qu'une montagne qui ne faisait pas partie de la liste, McNaughton, mesurait 4000 pieds pile. Les randonneurs ont toutefois refusé de modifier la liste pour préserver la tradition.

Petits et grands défis

Les listes de sommets peuvent être très ambitieuses et couvrir l'ensemble de la planète. Elles peuvent aussi être plus locales. Voici quelques listes bien établies et d'autres qu'il pourrait être possible de créer pour le Québec.

Les plus hauts sommets du Québec

Il n'existe pas encore une liste bien établie pour les randonneurs du Québec. On pourrait choisir de gravir les 10 plus hauts sommets, un objectif ambitieux puisque certains sont peu accessibles, comme le mont d'Iberville, dans les Torngat, ou le mont Raoul-Blanchard, fermé aux randonneurs puisqu'il appartient au séminaire de Québec.

Voici les 10 points culminants du Québec, selon Québec-Rando: 

1-Mont d'Iberville, Nunavik (1652 mètres)

2-Mont Jacques-Cartier, Gaspésie (1268 mètres)

3-Mont Jacques-Rousseau, Nunavik (1261 mètres)

4-Mont Gosford, Cantons de l'Est (1192 mètres)

5-Mont Richardson, Gaspésie (1185 mètres)

6-Mont Raoul-Blanchard, Côte-de-Beaupré (1180 mètres)

7-Mont de la Table, Gaspésie (1173 mètres)

8-Mont Albert, Gaspésie (1150 mètres)

9-Mont Yapeitso, Saguenay - Lac-Saint-Jean (1135 mètres)

10-Mont Logan, Gaspésie (1128 mètres)

Photo Marie Tison, archives La Presse

Le mont d'Iberville est le plus haut sommet du Québec, à 1646 mètres.

Les Montérégiennes: une belle liste potentielle

Les collines montérégiennes pourraient un jour constituer une jolie liste pour les randonneurs québécois, notamment pour les familles. Certains sommets ne sont pas encore vraiment accessibles, comme le mont Yamaska, qui appartient à des intérêts privés, mais rien n'empêche les randonneurs de commencer la liste avec les sommets accessibles. Le mont Mégantic a des particularités géologiques qui lui permettent de s'ajouter à la liste. Ces collines ont été formées par du magma qui s'est refroidi avant d'atteindre la surface et qui a mieux résisté à l'érosion que les matériaux environnants.

Mont Saint-Bruno (218 mètres)

Mont Royal (233 mètres)

Mont Bleu - collines d'Oka (250 mètres)

Mont Saint-Grégoire (267 mètres)

Mont Rougemont (381 mètres)

Mont Saint-Hilaire (411 mètres)

Mont Yamaska (416 mètres)

Mont Shefford (526 mètres)

Mont Brome (553 mètres)

Mont Mégantic (1105 mètres)

Photo André Tremblay, archives LA PRESSE

Point de vue du haut du mont Saint-Hilaire

La liste ultime des sept continents

Il existe en fait deux variantes de cette liste. La première choisit le mont Kosciuszko, en Australie (2228 mètres), pour représenter le sous-continent australien, alors que la deuxième opte pour une montagne beaucoup plus difficile, la Pyramide de Carstensz, en Nouvelle-Guinée (4884 mètres), pour représenter l'ensemble de l'Australie.

Voici les autres points culminants: 

Asie: Everest (8848 mètres)

Amérique du Sud: Aconcagua (6962 mètres)

Amérique du Nord: Denali (6190 mètres)

Afrique: Kilimandjaro (5892 mètres)

Europe: Elbrouz (5642 mètres)

Antarctique: Massif Vinson (4892 mètres)

Aller jouer dehors au Colorado

Il existe une variété de listes pour les randonneurs sérieux. Ceux qui aiment les hauts sommets et qui ne veulent pas voyager à l'autre bout du monde peuvent s'attaquer à une des listes les plus renommées aux États-Unis, les 58 sommets de plus de 14 000 pieds (4267 mètres) au Colorado. Certains sont faciles d'accès (une route se rend notamment au sommet de deux de ces montagnes), d'autres exigent des compétences en escalade de roche. Il faut tenir compte de l'altitude et s'organiser pour redescendre avant les fréquents orages d'après-midi.

http://www.14ers.com/

Photo The Gazette, via Associated Press

Le Pikes Peak, au Colorado, est le théâtre d'une course annuelle. Sur cette photo, la gagnante de l'édition 2016, Kim Dobson.