La crampe musculaire ne fait pas de distinction entre le grand athlète international et le sportif du dimanche : elle survient brusquement, elle fait terriblement mal et elle s'en va. Même s'il s'agit d'un phénomène courant, les spécialistes ne s'entendent pas sur ses causes et encore moins sur les moyens de la prévenir. Heureusement, il y a moyen de la soulager.

Aïe! Ça fait mal!

L'image avait frappé. En septembre 2011, en pleine conférence de presse après un match de 2h39 min au US Open, Rafael Nadal s'était laissé glisser sur le sol, terrassé par une crampe à la jambe.

Quelques minutes plus tard, tout était revenu à la normale.

Beaucoup de sportifs du dimanche vivent la même expérience, à l'abri toutefois des caméras du monde entier.

La crampe musculaire est terriblement douloureuse mais, heureusement, elle est plutôt brève. Les sportifs vont donc rarement consulter le médecin à ce sujet.

« C'est un problème ponctuel, remarque la Dre Alexandra Bwenge, médecin à la Clinique de physiothérapie du sport du Québec et responsable des communications pour l'Association québécoise des médecins du sport. Ça arrive sur le moment puis ça se règle. »

Toutefois, une personne qui a systématiquement crampe après crampe devrait consulter, déclare-t-elle.

Première théorie: la déshydratation

Plusieurs chercheurs se sont penchés sur les causes de la crampe musculaire. À ce stade-ci des recherches, il n'y a aucune certitude.

« Il y a deux grandes théories pour expliquer les crampes liées à l'exercice », indique Kevin Miller, professeur au Rehabilitation and Medical Sciences Department de la Central Michigan University et auteur de recherches importantes sur les crampes musculaires.

La première théorie met en cause la déshydratation et la perte d'électrolytes.

« Lorsqu'on fait de l'exercice, on transpire et on a tendance à perdre des fluides et des électrolytes, comme du sodium, du potassium, du magnésium et du calcium », affirme M. Miller.

M. Miller estime toutefois que les preuves présentées dans les études pour appuyer cette théorie sont faibles. En outre, d'autres études apportent des éléments qui vont à son encontre.

Ainsi, des études ont montré que les athlètes à l'effort avaient une concentration en électrolytes très près des normales. D'autres études ont montré que la concentration en électrolytes était semblable chez les athlètes, qu'ils aient des crampes ou pas.

« La déshydratation peut jouer un rôle dans le déclenchement des crampes, mais selon moi, ce n'est pas le rôle principal, affirme M. Miller. Bien des gens ont des épisodes de déshydratation, mais ils n'ont pas tous des crampes. »

Seconde théorie: la fatigue

Une théorie plus récente se penche plutôt sur le contrôle neuromusculaire.

« Lorsqu'on fait de l'exercice, les muscles se fatiguent, et potentiellement les nerfs, explique M. Miller. Ces derniers ont alors de la difficulté à gérer les signaux d'excitation et les signaux d'inhibition. Le système nerveux devient alors plus excitable, ce qui entraîne la crampe. »

Le chercheur croit que des éléments des deux théories viennent jouer dans le déclenchement des crampes.

« Je crois toutefois qu'il y a plus de preuves qui suggèrent que les crampes sont liées à une question neuromusculaire. »

C'est aussi l'avis de la Dre Bwenge. « C'est la théorie la plus récente qui est le plus logique. La crampe serait induite par la fatigue », dit-elle.

Des études ont permis de désigner des facteurs de risque, comme le fait d'avoir déjà eu des crampes, un entraînement plus long que d'habitude ou une blessure récente au muscle. Il y a cependant encore du travail à faire de ce côté.

« C'est un beau secteur de recherche, lance M. Miller. C'est sur ma liste des choses à faire. »

Il suspecte que le déclenchement des crampes est lié à différents facteurs d'une personne à l'autre. Les facteurs pourraient même varier chez une même personne.

« Pour prévenir les crampes, je suggère donc de tenir un journal. On devrait y inscrire tout ce qui a précédé une crampe : comment on s'est hydraté, quelle a été l'intensité et la longueur de l'entraînement, qu'est-ce qu'on a mangé, comment on a dormi ? Il faut voir s'il y a des tendances. »

Par exemple, le sportif peut réaliser que les crampes surviennent lorsque la séance d'entraînement est plus longue de 45 minutes que les séances normales. Il aurait alors avantage à insérer davantage de plages de repos dans son entraînement.

« Ce n'est pas nécessairement la même chose pour tout le monde qui déclenche une crampe, affirme M. Miller. C'est probablement pourquoi on a vu tant de remèdes maison pour les prévenir. »

Prévenir et soulager une crampe musculaire

Quelle est la meilleure façon de soulager et prévenir une crampe musculaire ? Quelques trucs qui peuvent vous aider... ou pas !



Électrolytes


Pendant longtemps, on a suggéré de se réhydrater et de remplacer les électrolytes pour prévenir et soulager les crampes. La popularité des boissons sportives et énergétiques est montée en flèche.

Kevin Miller, professeur à la Central Michigan University, soutient toutefois que, pour la grande majorité des Nord-Américains, le manque d'électrolytes ne constitue pas un problème. « La diète nord-américaine comprend une grande quantité d'aliments préparés, explique-t-il. Nous consommons plus de sodium que nous en avons besoin. »

La situation peut être différente pour les athlètes qui s'entraînent de façon intensive mais, selon M. Miller, ce ne sont pas les boissons sportives qui remplaceront les électrolytes perdus. « Ces boissons sont surtout constituées d'eau, fait-il remarquer. Il faudra boire un volume énorme, potentiellement dangereux, pour remplacer les électrolytes. »

M. Miller conseille plutôt de profiter des repas pour remplacer les électrolytes perdus, en ajoutant des croustilles, par exemple, ou en salant davantage les aliments.

Jus de cornichons

Plusieurs athlètes américains ne jurent que par le jus de cornichons, particulièrement salé et acide, pour prévenir et soulager les crampes musculaires.

Dans une importante étude publiée en 2009, le professeur Kevin Miller a montré que le jus de cornichons était plus efficace que l'eau pour soulager les crampes. Toutefois, il ne croit pas que cet effet soit lié à un apport en électrolytes. En effet, les crampes disparaissent bien avant que les nutriments aient le temps de quitter l'estomac et de se propager dans l'organisme.

M. Miller pense que le jus de cornichons déclenche un réflexe dans la région du pharynx qui aurait pour effet d'inhiber l'activité neuromusculaire et ainsi réduire les crampes. Le professeur ajoute que les petites quantités de jus de cornichons que consomment habituellement les athlètes ne sont pas suffisantes pour modifier la teneur d'électrolytes dans le sang.

Or, il n'est pas facile de tolérer de grandes quantités de jus de cornichons. « Dans les études, tout le monde a la diarrhée, remarque M. Miller. Dans un contexte de performance athlétique, c'est contre-productif. »

Étirement

Il existe un moyen sûr et efficace pour enrayer rapidement la crampe musculaire. Et il ne coûte rien. « Il s'agit d'étirer le muscle », indique la Dre Alexandra Bwenge, médecin à la Clinique de physiothérapie du sport du Québec.

Selon Kevin Miller, professeur à la Central Michigan University, l'étirement du muscle permet de soulager la crampe en 20 à 30 secondes. Les meilleurs résultats obtenus par le jus de cornichons tournent autour de 90 secondes. Le choix est facile à faire.

Pour la prévention, il n'y a toujours pas de solution miracle.

La Dre Bwenge suggère de bien s'hydrater, de bien s'échauffer, d'utiliser une bonne technique et d'avoir une bonne posture. « Ce sont des recommandations assez usuelles pour ne pas se blesser dans le sport, indique-t-elle. On peut les mettre en application même s'il n'est pas démontré qu'elles préviennent les crampes. »