Au cours des années, de nombreux styles de danse ont été créés, comme le ballet jazz et le hip-hop. Pendant tout ce temps, discrètement, un type de danse n'a cessé d'attirer les amateurs de musique et de mouvement, le ballet classique. Cette discipline n'est toutefois pas réservée aux petites filles en tutu rose et aux filiformes danseurs des Grands Ballets canadiens : les adultes de tout âge peuvent y trouver leur bonheur. Et ils sont nombreux à le faire.

Quand les adultes s'y mettent

« Première position. » « Port de bras. » « Plié. »

Alors que le pianiste égrène une mélodie, les élèves, une main posée sur la barre, suivent les commandes de la professeure.

Les studios de l'École supérieure de ballet du Québec (ESBQ) ont vu beaucoup de jeunes danseurs cheminer vers une carrière professionnelle. Mais l'établissement a également mis en place des programmes récréatifs pour les enfants, les adolescents et les adultes. Ces derniers sont de plus en plus nombreux.

« Il y a un engouement depuis trois ans, affirme Christiane Allaire, coordonnatrice du programme récréatif pour les adultes à l'ESBQ. Nous avons fait plus de publicité, mais c'est peut-être aussi à cause du film Black Swan (Le cygne noir). Nous avons eu beaucoup de nouveaux danseurs. »

À Montréal, de nombreuses écoles de danse offrent des cours de ballet classique aux adultes. À l'École de danse Louise Lapierre, on offre cette discipline en plus d'autres comme le jazz, la claquette et le hip-hop.

« La danse classique ne s'est jamais démodée, affirme Louise Lapierre. Chez nous, ça demeure populaire auprès des adultes. Souvent, les gens vont la prendre en complément d'autres styles de danse. »

Pour certains, le ballet classique peut sembler un exercice plutôt tranquille.

L'entraînement que suivent ceux qui se destinent à la danse professionnelle équivaut pratiquement à un programme pour athlète. Pour les débutants, c'est évidemment un peu moins demandant.

« Au début, ils découvrent les bases, la position en dehors, le maintien de la ceinture abdominale, le placement du bassin, mais dès qu'ils sont placés, ils vont bouger un peu plus et c'est assez cardiovasculaire », soutient Mme Allaire.

Plus le danseur avance, plus les enchaînements qu'il doit faire sont complexes et rapides. « Lorsqu'on apprend à sauter, on commence lentement, ajoute-t-elle. Aux niveaux plus avancés, on saute plus vite et on enchaîne différents sauts. »

De son côté, Louise Lapierre insiste sur l'alignement du corps, l'étirement des muscles vers le haut. « Beaucoup de gens travaillent à l'ordinateur, note-t-elle. C'est intéressant de ressentir cette espèce d'extension, qui est opposée à la position assise. »

Elle ajoute que, contrairement à certains sports comme le tennis, la danse classique ne surexploite pas un côté par rapport à l'autre. « En danse, on va travailler la symétrie. »

Objectifs de plaisir, pas de performance

Les adultes qui veulent faire du ballet classique font face à certains défis particuliers, à commencer par les attentes et les préjugés. Ainsi, il n'est pas nécessaire d'être extrêmement souple pour apprécier la danse.

« On y va doucement au début, explique Christiane Allaire. Un adulte peut être très satisfait de ses cours sans avoir énormément de souplesse. »

Les adultes doivent accepter leurs limites et ne pas viser le grand écart, surtout s'ils n'ont pas fait d'autres sports qui demandent de la souplesse, comme la gymnastique. « On n'a pas à se comparer, ce n'est pas une compétition, affirme Louise Lapierre. Ce n'est pas un spectacle. »

Les adultes sont parfois un peu complexés et peuvent se sentir comme les hippopotames en tutu dans le film Fantasia de Disney.

Les professeurs pour adultes, tant à l'École de danse Louise Lapierre qu'à l'ESBQ, utilisent l'humour pour que les gens s'amusent et se sentent bien.

« L'enseignement est fait de façon conviviale, note Mme Allaire. On ne s'adresse pas aux adultes comme on s'adresse aux jeunes qui veulent devenir danseurs. Les adultes ne seront pas chicanés s'ils ne pointent pas le pied ! »

Les professeurs sont également très attentifs aux possibilités de blessures. Ainsi, à l'École de danse Louise Lapierre, on n'utilise jamais la cinquième position classique pour les pieds (les jambes croisées, le talon du pied de devant se place devant les orteils du pied de derrière).

« C'est une position extrême pour les chevilles, les genoux et les hanches, affirme Louise Lapierre. Ça prend une formation de longue durée pour aller dans cette position-là. Il y a des choses que nous avons évacuées dans le curriculum. »

Il est surtout important de ne pas brûler les étapes, note Christiane Allaire : avant de faire faire une pirouette, il faut s'assurer que l'élève peut être en équilibre sur une jambe.

« Nous faisons attention, ça se fait avec la musique, ça se fait doucement. »

Témoignages

Toutes les raisons sont bonnes pour se mettre au ballet classique. Une petite visite un lundi soir aux studios de l'École supérieure de ballet du Québec a permis de rencontrer des adultes passionnés.



Louise Poulin

54 ans, psychologue

Louise Poulin a fait du ballet quand elle était petite. Elle en a fait plus tard, adolescente et jeune adulte. « Je suis revenue, je m'en ennuyais trop, raconte-t-elle. C'est un sentiment intérieur, le travail, la rigueur, la coordination, la beauté : c'est un ensemble. »

Avec l'âge, les articulations protestent un peu plus. Elle fait donc de l'aquaforme pour les soulager et pour travailler l'aspect cardiovasculaire.

Pour la souplesse, c'est aussi un peu plus difficile. « Je ne cherche pas la même souplesse qu'à 20 ans, mais je pense qu'on peut quand même conserver une certaine souplesse de base. » Le ballet, c'est également l'occasion de faire de l'exercice avec des gens qui partagent la même passion. « C'est une belle gang », lance Louise Poulin.

Carole Courteau

60 ans, employé dans un grand centre bancaire

Jusqu'à janvier dernier, Carole Courteau n'avait jamais fait de ballet classique. Petite, elle était dans le mouvement des guides, elle faisait du plein air. Elle a continué à faire du sport toute sa vie. Puis, tout récemment, sa petite-fille de 18 ans lui a montré les exercices de ballet qu'elle faisait. Carole Courteau a été conquise par la posture, le maintien apporté par cette discipline, mais aussi son côté féminin. « C'est peut-être un rêve de petite fille », avance-t-elle.

Dans ce cours pour débutant, le rythme est lent. « Pour le cardio, je fais de la course à pied », note Carole Courteau. Les mouvements de ballet sont quand même parfois complexes, surtout au début. « Je me trompe parfois, dit-elle en riant. Au début, je visais la perfection. Maintenant, je m'amuse. »

Francine Houle

55 ans, représentante pour la Brasserie Molson

Francine Houle a redécouvert le ballet classique il y a environ cinq ans, après en avoir fait quand elle était petite. Elle espère bien en faire encore longtemps, jusqu'à 80 ans si possible ! « C'est plus complet que tout autre exercice en gym, affirme-t-elle. Ça fait appel à plusieurs sens. » Elle apprécie notamment la lenteur de cette discipline, ce qui crée un heureux contraste dans une vie moderne où tout va trop vite.

Francine Houle aime l'attitude des professeurs, qui se montrent attentifs et consciencieux même s'il s'agit de cours récréatifs destinés à des adultes qui n'ont pas l'intention de devenir danseurs étoiles. « Ils ne laissent pas passer un genou mou, souligne-t-elle. On nous prend au sérieux comme si nous étions destinés aux Grands Ballets canadiens. »

Sandra Tremblay

35 ans, avocate en droit criminel

Sandra Tremblay voulait devenir danseuse professionnelle de ballet classique. Elle avait commencé à danser à 5 ans et étudiait dans un programme de ballet-étude. Toutefois, elle a souffert d'anorexie et sa mère a mis le holà à ses projets de carrière. Sandra Tremblay a donc mis le ballet derrière elle, elle a fait son droit et s'est mise à d'autres sports. Jusqu'à ce qu'elle rende visite à sa soeur jumelle, à Vancouver, et qu'elle assiste à un cours de ballet avec elle. D'un coup, l'amour de la danse est revenu. « J'ai décidé que je n'irai plus jamais dans un gym ! », raconte-t-elle.

Elle suit maintenant quatre cours de ballet par semaine. « En ballet, il est impossible d'atteindre la perfection. Il y a donc toujours un défi. »

Mireille Véronneau

32 ans, professeure de littérature au cégep

Mireille Véronneau n'a jamais arrêté le ballet depuis son tout premier cours, à l'âge de 3 ans. « Je n'ai jamais été professionnelle, ç'a toujours été un loisir, déclare-t-elle. C'est une passion. »

Le fait de danser en tant qu'adulte entraîne toutefois de nouveaux défis. Elle trouve notamment qu'avec l'âge, il est plus difficile de maintenir son niveau et de garder sa souplesse. « J'ai constaté que s'il y a des blessures, ça prend plus de temps pour revenir. Et puis, on n'a pas la même énergie. »

Toutefois, elle apprécie toujours autant le plaisir de danser sur la musique d'un pianiste bien vivant (et non pas d'un enregistrement), sur un plancher de qualité, dans un studio au plafond élevé. « Nous sommes plus libres de sauter. »

Quelques endroits où suivre des cours de ballet classique pour adulte

École supérieure de danse du Québec

École de danse Louise Lapierre

Ballet Divertimento

Académie du ballet métropolitain

Ballet Coppelia

Studio Danse Montréal

Académie Ballet Manon Chamberland