Discrètement, le collègue de travail clique sur le site internet windguru.com et examine attentivement les prévisions de vent pour la fin de semaine. Fort probablement, le collègue en question est un adepte du kitesnow (cerf-volant de traction), un sport qui combine le cerf-volant et le ski pour glisser dans de grands champs enneigés.

Il n'existe pas de chiffres précis sur le nombre d'adeptes au Québec, mais les données sur le trafic du site kitezone.ca peuvent donner une idée.

« J'ai beaucoup de nouveaux membres sur mon site, soit 15 % de plus que l'année dernière », affirme Claude Gravel, un véritable vétéran du kite au Québec qui supervise kitezone.ca.

La popularité grandissante du kitesurf (sur l'eau) bénéficie également au kitesnow. De plus en plus d'écoles québécoises de kite donnent des formations dans le Sud, ce qui crée des adeptes qui voudront poursuivre leur sport une fois rentrés au pays.

Or, le kitesnow est plus facile à maîtriser que son cousin aquatique. « L'eau, c'est plus technique, explique Benoît Tremblay, propriétaire de Concept Air, une entreprise de Saint-Fulgence, au Saguenay, qui conçoit et fabrique des cerfs-volants pour le kite. Il faut flotter, tenir compte des vagues, du courant. C'est plus dangereux. »

Le kitesnow demande un bon investissement pour s'équiper, soit autour de 1000 $ pour un premier cerf-volant qui couvrira plusieurs conditions de vent.

« Après, ça ne coûte rien, fait valoir M. Tremblay. Pas d'essence, pas de billets de remonte-pente. Au fil des ans, c'est moins cher que d'aller faire du ski en montagne. »

L'année dernière, l'expédition de Frédéric Dion en Antarctique (4382 km en 54 jours) a donné une belle visibilité au kitesnow, mais elle n'a pas déclenché une vague de nouveaux adeptes.

« C'était un couteau à deux tranchants, a expliqué M. Tremblay. Monsieur et madame Tout-le-Monde ont associé le kite à cet événement et se sont dit que c'était un sport extrême qui n'était pas pour eux. »

Or, avec les avancées technologiques, le kite est plus facile qu'avant et, surtout, plus sûr.

« Depuis cinq ans, les grosses évolutions du sport se sont faites au niveau de la sécurité. Ça demande moins de technique pointue pour bien maîtriser le cerf-volant et assurer sa sécurité. C'est ouvert à plus de monde », dit Claude Gravel.

Il est toutefois essentiel de suivre une formation.

« On ne peut pas apprendre par soi-même, soutient M. Gravel. C'est primordial de suivre des cours même si ça a l'air facile. Ça demande une certaine précision dans le pilotage pour se protéger soi-même et protéger les autres. Il n'y a rien comme un professeur, surtout pour évaluer les conditions. »

NOUVEAU DÉFI

Toutefois, le kitesnow fait face à un nouveau défi, l'enneigement de plus en plus problématique dans le sud du Québec.

« La météo étrange que nous avons depuis quelques années réduit la progression fulgurante de ce sport », déplore Benoît Tremblay.

Lorsqu'il pleut pendant quelques jours sur un couvert neigeux déjà mince, la neige disparaît presque totalement.

« Ça prend un mois pour avoir assez de neige pour couvrir les champs, mais déjà, on est au printemps, se désole M. Tremblay. L'hiver est rendu court dans le sud du Québec. »

Les conditions météo erratiques ont également des conséquences sur l'épaisseur de la glace. Plusieurs adeptes du kite pratiquent en effet leur sport sur des plans d'eau gelés.

« Il y a des problèmes de sécurité, observe Claude Gravel. Sur mon site web, le premier article porte d'ailleurs sur la prudence sur la glace. »

La situation est plus enviable au Saguenay, sur la Côte-Nord et en Gaspésie, mais c'est au sud du Québec que se situe le plus grand bassin de population. Il y a là plusieurs écoles de kite qui subissent les effets des conditions météo défavorables.

« Ça réduit le nombre de nouveaux kiters », affirme Benoît Tremblay.

À son avis, ce qui pourrait aider à faire croître davantage le sport, c'est une fédération, comme il en existe, par exemple, pour le canot et le kayak. Jusqu'à maintenant, c'est le bénévolat qui règne pour organiser compétitions et événements. Le financement n'est pas facile à aller chercher.

« Nous ne sommes pas de grosses entreprises, nous ne pouvons pas gérer tout cela, affirme M. Tremblay. Une fédération, ça nous donnerait du crédit auprès des instances gouvernementales. »