Sac au dos, Josie-Anne Brunette bourlinguera dans plusieurs pays au cours des prochains mois à la recherche des plus belles parois. Elle se trouve actuellement en Thaïlande. Elle se rendra aussi au Népal, au Tibet, en Turquie et en Grèce. Un voyage d'escalade en solo qu'elle s'offre pour son cinquantième anniversaire.

«Plusieurs pensent à tort que l'escalade est un sport de jeunes. Quand j'ai commencé il y a cinq ans, je me faisais parfois regarder de travers au gymnase. Il y avait un malaise. Mais j'ai montré que j'étais sérieuse dans ma démarche et plusieurs grimpeurs ont rapidement oublié la différence d'âge.»

Josie-Anne Brunette a eu la piqûre de l'escalade en grimpant en famille, avec ses trois fils. «Au départ, c'était une occasion de passer plus de temps avec eux. Ils ont rapidement abandonné. Moi, j'ai décidé de prendre un cours avancé. Quand on persiste, on peut accomplir de belles choses et c'est vrai à tout âge. L'escalade est un sport extraordinaire. Quand on grimpe et qu'on cherche les prises, on fait le vide total. C'est très thérapeutique, c'est un défi chaque fois», raconte cette enseignante de deuxième année, actuellement en congé sabbatique.

Ralentir pour mieux réussir

«L'effet global du vieillissement, c'est que ça nous ralentit. Ça ne veut surtout pas dire qu'on ne peut plus apprendre, mais on s'ajuste», indique la neuropsychologue Nicole Caza, chercheuse à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

Certains types de mémoire seraient déjà touchés à 40 ans, notamment ceux qui dépendent davantage de l'attention et de la concentration. «L'effet du vieillissement ne se fait pas sentir du jour au lendemain, mais on ne peut savoir avec précision quand ça commence. Les études manquent auprès des adultes de moins de 60 ans», précise Nicole Caza. «On peut penser que les gens dans la quarantaine peuvent arriver à la même performance qu'un jeune, mais ça prend un peu plus de temps. On pense également qu'ils pourraient utiliser des stratégies de mémorisation différentes de celles des jeunes.» On arrive donc à compenser par les expériences, le jugement, les connaissances, le raisonnement. Au quotidien, on n'y voit que du feu.

Apprendre n'est-il pas un privilège de la jeunesse? Le mythe est tenace. «Agis donc comme un gars de ton âge», s'est souvent fait dire Daniel Gauvin, 52 ans. Il s'est mis au kitesurf il y a à peine deux ans. «Je commence à bien me débrouiller. Je suis un gars patient et plutôt en forme. Sinon, j'aurais sûrement abandonné. Ça prend du temps à sortir de l'eau, comprendre la dynamique du vent et contrôler la planche. C'est un vrai bonheur quand on y arrive.»

«Les adultes sont capables d'apprendre des tâches motrices sans aucun problème, même s'ils sont un peu plus lents», explique Julien Doyon, neuropsychologue et chercheur à l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal à titre de spécialiste de la mémoire motrice. «Les structures du cerveau liées à l'apprentissage de séquences de mouvements, soit le striatum et le cervelet, ne sont pas touchées par le vieillissement normal.»

Ça se corse cependant au moment de la phase de consolidation de l'apprentissage, après qu'on eut automatisé les mouvements. «La consolidation sert à ce que l'apprentissage se maintienne dans le temps», souligne l'expert. C'est pourquoi on arrive à rouler à vélo sans problème, même après quelques années sans avoir touché un guidon. «Plus on vieillit, plus on met de temps à consolider un nouvel apprentissage. Il faut pratiquer davantage.» La baisse de qualité du sommeil liée à l'âge pourrait expliquer ce changement.

Grosso modo, la machinerie du cerveau liée à l'apprentissage moteur - comme le piano, le golf ou l'escalade - demeure intacte avec l'âge. «Les adultes en vieillissant sont moins agiles et parfois moins en forme, mais ils sont capables d'apprendre. La mémoire motrice est plutôt stable dans le temps», note Julien Doyon.

La mémoire sémantique, avec laquelle on emmagasine des connaissances générales et du vocabulaire, s'enrichit même avec l'âge. «C'est la force des personnes âgées», indique Nicole Caza. Cette mémoire arrive en partie à compenser les faiblesses de la mémoire de travail (retenir un numéro de téléphone ou faire un calcul mental) et de la mémoire épisodique (souvenirs autobiographiques), toutes deux touchées par le vieillissement.

C'est un avantage quand on apprend à conduire, pense Gilbert Lemieux, moniteur à l'école de conduite Pro-Expert. Les personnes de 40 ans et plus comptent pour 25% de sa clientèle. «Même s'ils n'ont jamais pris le volant, ils ont vu neiger, dit-il. Ils ont l'expérience de la route à titre de passagers. Ils connaissent les règlements, ils ont déjà roulé dans une tempête, dans le brouillard. On ne part pas de zéro, c'est facile de leur montrer. Une seule fois, une dame m'a demandé où était le contact. C'est l'exception.»

En escalade, le bagage sert aussi. «Quand on commence sur le tard, c'est plus réfléchi, on s'entraîne plus tranquillement, on observe les bons grimpeurs, dit Josie-Anne Brunette. Les jeunes écoutent moins leur corps, se blessent peut-être plus sérieusement. Je suis probablement plus consciente de mes limites, je grimpe intelligemment avec prudence.»

Mettre l'égo de côté

Jennifer Clark, 40 ans, a commencé à suivre des cours de piano l'an dernier. Comme sa fille Ruby, 6 ans. «Au début, j'ai trouvé ça vraiment frustrant. J'ai vécu des passages difficiles. J'avais l'impression de ne faire aucun progrès. Je me demandais ce que je faisais là», confie-t-elle.

«On ne joue pas une sonate de Beethoven après une semaine. Les adultes ont de la difficulté à ne pas avoir de résultats immédiats, indique Jean-Sébastien Lelièvre, enseignant de musique. Ils sont habitués d'être performants dans les autres sphères de leur vie. Ils vont jusqu'à remettre en question nos façons de faire. Ça peut compliquer l'apprentissage. Sinon, ils comprennent les concepts plus rapidement et ont une meilleure motricité que les petits.»

Pour le sportif Daniel Gauvin, «le défi est aujourd'hui plus important que le résultat». «Quand on se trouve au large sans vent et qu'on est pris là-bas, on apprend rapidement l'humilité, raconte-t-il en riant. Jeune, je me serais senti humilié, j'étais trop perfectionniste. J'ai mis mon ego de côté, le jeu en vaut vraiment la chandelle.» S'il a peut-être quelques courbatures de plus que ses jeunes copains, tous ont «des écorchures aux pieds comme des petits trophées», souligne-t-il.

«Quand on s'investit vraiment et qu'on y met le temps, on se surprend de nos capacités physiques à 50 ans. Je suis aujourd'hui beaucoup plus en forme qu'à 20 ans», dit Josie-Anne Brunette.

Nicole Caza insiste: les effets du vieillissement sur la mémoire et l'attention varient d'un individu à l'autre. «Certaines personnes semblent moins affectées par l'âge. Ça dépend d'une multitude de facteurs, comme la santé et l'éducation. On voit beaucoup d'hétérogénéité et c'est tant mieux.»

La peur du ridicule et le manque de temps, plus que les troubles de mémoire, stoppent l'élan. «Ça faisait longtemps que je souhaitais jouer de la musique. J'ai plus de temps libre et je peux aider ma fille, confie Jennifer Clark. Je suis plus disciplinée, elle est plus créative. Je ne me donne pas le droit à l'erreur. C'est difficile de se trouver dans une position où on a tout à apprendre. Je ne voudrais surtout pas avoir l'air bête!»

Trucs pour apprendre efficacement:

> On fonce malgré les doutes et les peurs.

> On choisit une activité qui nous plaît.

> On pratique, on pratique, on pratique.

> On prend son temps.

> On en fait un peu moins à la fois.

> On diminue les sources de distraction pour faciliter la concentration.

> On essaie d'acquérir de bonnes habitudes au départ, parce qu'il est difficile d'enlever les mauvais plis.

> On fait preuve d'humilité et de persévérance.

> On adopte une bonne hygiène de sommeil.

Photo: Focus1