Le rituel est semblable à celui des AA et la danse à celle d'une tribu africaine. Mais la biodanse n'est ni une thérapie de groupe, ni une discipline artistique. Née au Chili, la «danse de la vie» vise plutôt à réhabiliter les mouvements naturels du corps tout en libérant les tensions en chassant les maux liés au stress.

Assis en indien, formant un cercle, chacun des participants est invité à partager ses bobos et ses émotions de la semaine. Dorotea Pok, animatrice du groupe, écoute attentivement les récits. Son cours sera mené en fonction de ce qu'elle entend aujourd'hui, mais aussi des besoins qu'elle aura perçus lors de la séance précédente.

«Pour sentir la terre sous nos pieds», une musique rythmée ouvre le bal. Les biodanseurs tapent bruyamment des pieds au son des tambours africains. Tous s'exercent avec un plaisir apparent, mais dans un désordre des plus complets.

«C'est prétentieux d'appeler danse seulement ce qui est rythmé et synchronisé», dit Mme Pok. La consigne est stricte: il faut laisser la musique nous habiter. «Car tout le monde est doué pour la danse», renchérit-elle. Et tant pis pour l'élégance.

Le groupe du mardi est avancé. Les membres laissent rapidement tomber leurs inhibitions et donnent à leur corps toute la place pour s'exprimer. «Au début, cela a été très difficile de me laisser aller», dit une participante dont les mouvements ne dénotent plus aucune retenue.

Premiers contacts

Les exercices s'enchaînent selon un ordre minutieusement étudié et qui reproduit, avec des périodes d'éveil et de repos, «les cycles du vivant».

Puis, bercés par une musique rassurante, les participants se rassemblent au sol et se recroquevillent naturellement les uns contre les autres. Lorsque cette masse humaine doit «s'éveiller», elle n'a d'autre choix que de faire appel à son prochain pour se redresser.

L'exercice se prolonge. La quinzaine de participants, hommes et femmes confondus, s'enlacent et se cajolent comme des amoureux séparés pendant des semaines.

Dorotéa Pok connaît bien l'étiquette accolée à la biodanse et en fait peu de cas. C'est d'ailleurs elle qui souligne la comparaison avec «une secte de hippies qui se touchent».

«Qu'on le veuille ou non, le besoin d'affectivité est inné», réplique calmement l'Argentine d'une trentaine d'années. «Exister à travers le regard et la peau de quelqu'un d'autre crée la certitude qu'il est possible d'élaborer une meilleure façon d'entrer en relations avec les autres», ajoute-t-elle.

«J'ai appris à serrer un homme dans mes bras», affirme Julien, à la suite d'une séance d'initiation à la biodanse. Certains viennent au cours sachant que ces précieux contacts physiques seront les seuls dont ils bénéficieront durant la semaine. Ils viennent en faire le plein.

D'autres se servent de leurs nouvelles aptitudes dans leur vie de tous les jours. Par exemple, ils auront désormais le courage d'aborder leur patron et de le regarder droit dans les yeux.

«Il faut penser avec le corps entier et plus seulement avec la tête», conclut Dorotea Pok. Aussi facile que cela puisse paraître, l'invitation est lancée à tous d'essayer de mettre en pratique ce principe au coeur de la biodanse.

UNE DISCIPLINE RIGOUREUSE

C'est à la fin des années 1960 que l'anthropologue et psychologue chilien, Rolando Toro, découvre, dans un asile, l'effet de la musique sur ses patients. Selon la nature de la maladie, celle-ci est tantôt calmante, tantôt euphorisante.

Selon M. Toro, le problème de l'homme est qu'il est devenu «anthropocentrique», il se croit seul au centre de l'existence. Il faut l'aider à redevenir «biocentrique» pour qu'il redonne toute la place au vivant et qu'il cesse de détruire ce qui l'entoure.

Il met à profit ses observations pour fonder la «biodanza» ou biodanse. Rapidement, celle-ci est exportée en Argentine et au Brésil. Puis, elle traversera les océans pour se développer en Italie et en Suisse. Aujourd'hui, elle est pratiquée dans plus de 60 pays.

Ce n'est qu'en 2003 qu'une première école s'installe au Québec grâce à Michel Loignon. Ce «comptable qui aime danser» découvre la discipline lors d'un voyage en France. Puisque la biodanse repose sur un cadre théorique solide, trois années sont nécessaires pour devenir «facilitateur titulaire» et cela en plus de l'écriture d'un mémoire.

Dorotea Pok a été la première au Québec à obtenir sa licence et elle n'a que trois collègues qui, comme elle, peuvent diriger des groupes. Elle assure cependant que la biodanse est en pleine expansion dans la province et que d'ici quelques années, ils seront beaucoup plus nombreux à enseigner la «danse de la vie».

Pour plus d'informations: www.biodanza.ca