Une base de plein air d'envergure est en train de voir le jour à Val-d'Or: la Forêt récréative, grand terrain de jeu de 50 km2 situé en périphérie de la ville. Les nouvelles infrastructures attirent une foule de nouveaux adeptes aux plaisirs du plein air. Un exemple qui rappelle que les municipalités ont un rôle capital dans la promotion des saines habitudes de vie. 

Tout le monde dehors!

En pleine heure du repas, Sébastien Roy, copropriétaire d'une concession automobile de Val-d'Or, troque le classique manteau de laine pour des vêtements de ski. Après un entraînement éclair, mais intensif, d'une trentaine de minutes, le skieur saute sous la douche et repart vers le bureau.



«J'essaie de venir au moins deux fois par semaine. Quand je m'entraîne le midi, je suis disponible le soir pour les enfants, affirme-t-il. La proximité de la ville, les installations pour prendre notre douche et les casiers pour ranger les skis, ça aide beaucoup. Je viens aussi l'été. Sur une base annuelle, je dois fréquenter la forêt au moins trois ou quatre fois par semaine.»

Sébastien Roy n'est pas le seul. En fait, les Valdoriens sont devenus fous de l'hiver. Emmitouflés dans un habit de neige, en collant aérobique ou même en jeans, ils jouent dehors plus que jamais. «Y'a du monde!», s'exclame la régisseuse de la Forêt récréative, Nathalie Perreault. Elle souligne que l'an passé, 530 cartes de membres ont été vendues et cette année, avant le temps des Fêtes, près de 700 cartes avaient trouvé preneur.

Le terrain de jeu est un paradis pour les amateurs de ski de fond qui peuvent s'élancer sur un réseau de 50 km de pistes, et ce, de la fin novembre à la mi-avril. Le relief peu escarpé et les larges pistes rendent accessible le ski de style patin qui gagne en popularité. «Je venais l'été depuis plusieurs années, pour faire du vélo de montagne, mais depuis cette année, j'ai commencé le ski», témoigne la trentenaire Janick Lanoue.

Parmi les magnifiques conifères enneigés, la raquette y est aussi praticable sur 30 km. Mais c'est surtout l'aménagement du spectaculaire sentier glacé de 2 km en forêt, en 2014, qui a fait exploser la fréquentation. «L'année où le sentier glacé a ouvert, il a manqué de patins à Val-d'Or!», raconte le propriétaire des magasins Sports Experts, Atmosphère et Hockey Experts de Val-d'Or, Christian Grenier. «Des gens qui n'avaient pas patiné depuis des années ont commencé à venir plusieurs fois par semaine, sans compter tous les groupes scolaires qui ne fréquentaient pas la forêt auparavant», renchérit Nathalie Perreault. 

Occuper le territoire

Ce n'est pourtant pas d'hier que la Forêt récréative existe et qu'elle est fréquentée. Les fondeurs utilisaient déjà ce territoire public à des fins de loisir au début des années 40. Les raquetteurs s'y promenaient aussi depuis plusieurs décennies. Toutefois, depuis le début des années 2000, le réseau s'est grandement développé. Au fil des années, les amateurs de vélo de montagne ont, à la sueur de leur front, bénévolement débroussaillé 28 km de sentiers. Guillaume Julien, membre du club Accro Vélo et président du Club de ski de fond, en fait partie. Cela fait près de 20 ans qu'il fréquente la Forêt récréative.

«Avant, quand on venait faire du vélo, on prenait les pistes de ski de fond qui étaient praticables à vélo et quelques trails de quatre-roues qu'il y avait à travers. Il n'y avait aucun sentier de vélo de montagne.»

La multiplication des sentiers a donc progressivement stimulé la fréquentation des cyclistes, des coureurs et des marcheurs dans la forêt. «On parlait beaucoup à la Ville [du potentiel de la Forêt récréative]. Ils nous encourageaient, mais... c'est avec le déménagement du chalet que les gens ont réalisé qu'ils avaient la chance d'avoir ça à côté de chez eux», raconte Guillaume Julien.

Depuis les années 70, le seul point de chute des utilisateurs était le chalet de ski de fond opéré par son club seulement en hiver. En 2010, ce bâtiment devient désuet et trop près d'une gravière. Cette fâcheuse situation sera pourtant déterminante pour une nouvelle vague d'achalandage, car le conseil municipal de Val-d'Or paiera 1,4 million pour construire un nouveau chalet.

«Il était impératif de rentabiliser l'utilisation de ce bâtiment», indique le coordonnateur aux activités sportives et récréatives à la Ville de Val-d'Or, Luc Lavoie. Après avoir consulté une quarantaine de personnes d'une dizaine d'organismes, la Ville élabore, en 2013, un plan de développement jusqu'en 2018. Les projets explosent, ainsi que la fréquentation: ouverture du sentier glacé, deuxième chalet d'accueil pour les patineurs (ancien chalet de ski de fond rénové et déplacé), location de vélos, organisation d'événements sportifs et culturels, parc à vélos de montagne, nouveaux stationnements, espaces pour véhicules récréatifs et prise en charge de l'entretien des pistes de ski de fond.

Le milieu prospère qu'est Val-d'Or a aussi contribué à la transformation extrême. «Il y a des projets qu'on n'aurait pas pu réaliser sans nos partenaires», admet Luc Lavoie. En tout, 1,8 million de dollars privés et publics seront investis en cinq ans, dans la forêt, sans compter le 1,4 million de dollars qu'a coûté l'aménagement du premier chalet d'accueil en 2012.

Poursuivre le développement

Camps d'été, sites de camping, activités aquatiques, nouveaux sentiers et équipements, panneaux d'interprétation, et bien plus... les idées sont nombreuses pour poursuivre le développement de la Forêt récréative de Val-d'Or. Par contre, une telle diversification des activités exige inévitablement temps, argent et main-d'oeuvre, alors qu'elle est déjà en pleine adaptation avec toutes les nouvelles responsabilités... les fondeurs d'expérience vous en diront quelque chose, si vous les lancez sur le traçage!

Reste que les Valdoriens sont fiers de leur forêt de proximité, qui est aussi devenue un facteur d'attraction et de rétention pour les nouveaux résidants. «C'est pratiquement unique, s'enorgueillit Guillaume Julien. Au Québec, ça se compte sur les doigts d'une main.» Dans ses rêves les plus fous, le président du club de ski de fond souhaite que la forêt accueille une compétition d'envergure ou mieux encore... que Val-d'Or puisse voir un jour émerger un «Alex Harvey» de ses pistes. 

La Forêt récréative en chiffres 

Superficie: 50 km2

Nombre d'accès par année: près de 100 000

Distance de la ville: environ 5 km

Quand une municipalité mise sur le plein air

Selon Lorie Ouellet, professeure en intervention plein air à l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), les municipalités ont un rôle capital dans la promotion des saines habitudes de vie. Entrevue.

Val-d'Or n'est pas la seule municipalité à s'intéresser au plein air. Lorie Ouellet cite en exemple le plan d'action régional en matière de plein air qui vient d'être élaboré au Saguenay-Lac-Saint-Jean, qui appelle les municipalités à répertorier des sites actuels ou potentiels. «Parfois, des terrains sont fréquentés par des utilisateurs, mais ce ne sont pas des sites officiels, explique Lorie Ouellet. À Saguenay, poursuit-elle, on a répertorié ces sites-là et la Ville est même allée jusqu'à acheter des terrains pour continuer de permettre l'accès à des utilisateurs.»

Elle observe également que le développement immobilier et industriel «gruge» de plus en plus d'espaces où se déroulent déjà des activités plein air ou qui ont un bon potentiel, particulièrement en milieu urbain ou périurbain.

«Les municipalités ont un pouvoir de préservation de ces sites-là. Elles peuvent les acheter ou modifier leur zonage, par exemple.»

En citant en exemple le parc de la Rivière-du-Moulin, à Saguenay, Lorie Ouellet ajoute que la gestion d'un site plein air par une municipalité a un impact considérable sur la fréquentation. «Quand c'est la municipalité qui s'en charge, les gens ont accès au territoire et à des équipements à moindres coûts. Les municipalités doivent aussi respecter des exigences en matière de sécurité et gestion des risques, donc il y a de la signalisation adéquate, il y a souvent des patrouilleurs et plus de sécurité», estime-t-elle.

Les villes doivent-elles protéger le territoire pour qu'il soit plus fréquenté, ou le fréquenter pour le protéger? À Val-d'Or, c'est la masse des utilisateurs qui protège la Forêt récréative. La Ville y investit des sommes colossales, mais rien, légalement, ne protège son trésor de l'exploitation minière et forestière. «J'espère qu'on ne se fera pas couper ça», s'inquiète Marc Bellavance, skieur de longue date. Les utilisateurs souhaitent donc qu'un statut spécial soit accordé à la Forêt récréative, et la Ville en est consciente. «Actuellement, on est en recherche de solutions avec la MRC pour éviter toute coupe forestière qui perturberait les activités», souligne le coordonnateur aux activités sportives et récréatives à la Ville de Val-d'Or, Luc Lavoie.

photo marie-Claude Robert, fournie par la vilel de Val-D'or

Le terrain de jeu est un paradis pour les amateurs de ski de fond qui peuvent s'élancer sur un réseau de 50 km de pistes.