Se faire circoncire ou pas, c'est une question qui tourmente de nombreux hommes au Botswana, où le gouvernement tente de les convaincre d'accepter cette opération recommandée pour lutter contre les ravages du sida.

Le Botswana, pays peu peuplé de 2 millions d'habitants et relativement prospère, est comme toute l'Afrique australe particulièrement touché par la pandémie, avec un adulte séropositif sur quatre.

Depuis trois ans, le gouvernement fait campagne pour la circoncision suivant les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), dont les études montrent qu'elle n'immunise évidemment pas contre le virus, mais réduit de 60% les risques de transmission hétérosexuelle.

L'opération est gratuite, des publicités s'affichent partout, et une vedette locale de variétés a même composé une chanson à la gloire de la circoncision.

Mais faute de tradition locale, les hommes restent méfiants et ne se bousculent pas pour pratiquer cette ablation du prépuce, qui prend quelques minutes, se fait sous anesthésie et dont la convalescence ne dure que quelques jours.

Le Botswana, où l'espérance de vie commence à peine à se redresser après avoir dramatiquement chuté à cause du sida, a comme objectif la circoncision de près d'un demi-million d'hommes, 460.000 exactement. Mais les autorités n'ont atteint que 7% de cet objectif.

A la porte du dispensaire de Molepolole, près de la capitale Gaborone, Kabo Moeti, 31 ans, «a peur et se sent perdu».

«Dois-je le faire ou vaut-il mieux pas?», se demande ce vigile.

Sa principale crainte est que l'opération puisse mal se passer ou qu'il y ait des séquelles qui affectent ses relations avec sa petite amie.

«Les publicités de la campagne pour la circoncision masculine en toute sécurité sont partout, c'est difficile de les ignorer et ils disent que c'est bénéfique», dit-il.

«Mais j'espère que cela ne va pas pénaliser ma vie sexuelle. Il y a des gens qui disent que c'est plus sûr, mais qu'on souffre au plan sexuel», ajoute-t-il.

Conrad Ntsuape, coordinateur de la campagne, reconnaît que le plus grand défi pour les pouvoirs publics est que les hommes ont «peur d'avoir mal».

«La plupart semblent penser que la douleur liée à l'opération met du temps à passer et les empêche pendant longtemps d'étudier ou de travailler, mais nous continuons à intensifier nos efforts d'éducation», dit-il.

Selon l'OMS, la circoncision a vocation à s'inscrire dans un ensemble complet de mesures de prévention du sida: dépistage, promotion de pratiques sexuelles sûres, fourniture de préservatifs. Mais elle est aussi «une occasion précieuse de répondre aux besoins souvent négligés des hommes en matière de santé sexuelle».

Tebogo Moilwa, un étudiant ingénieur de 22 ans, s'est finalement laissé convaincre, inspiré par l'exemple d'Odirile Vee Sento, une star de la chanson locale.

«Si des gens comme lui ont le courage de dire qu'ils sont circoncis et pensent que c'est une mesure protectrice, ce n'est pas moi qui vais penser le contraire», explique-t-il.

Le Botswana revient de loin, confie Sento qui a composé sa chanson avec «Tuku», une des stars incontestées de la scène zimbabwéenne Oliver Mtukudzi.

«Notre pays traverse vraiment des temps difficiles. Il y a eu une période où l'on passait chaque week-end à célébrer des funérailles. J'espère vraiment que la campagne va être prise au sérieux par tous les hommes séronégatifs», dit-il.

L'Afrique australe est la région la plus affectée par le sida. De campagnes en faveur de la circoncision ont été lancées en Afrique du Sud, au Lesotho, Swaziland, Zambie et Zimbabwe. Mais les résultats sont bien loin des objectifs.

En Afrique du Sud, de gigantesques panneaux incitent le long des routes les habitants à se faire circoncire.

«Le problème, dit-il, n'est pas tant que les gens ne veulent pas se faire circoncire. Mais les plans sont mis en oeuvre, sans le travail de terrain nécessaire et sans la participation de la population», constate Alan Whiteside, un chercheur sud-africain de l'université du KwaZulu-Natal (Afrique du Sud).