Dans les parcs, les piscines et sur les routes, les sportifs sont chaque mois plus nombreux. Et plus compétitifs. Beaucoup commencent à s'entraîner pour se remettre en forme, mais se font en quelque sorte prendre au jeu de la performance. Et pour les aider, certains centres d'entraînement leur proposent un suivi digne des athlètes olympiques. Marie-Claude Lortie en a fait l'expérience.

Le rendez-vous est fixé tôt. Et il faut que j'arrive à jeun. Les tests pourraient être faussés si je mange ou même si je bois trop. Un café? Pas question.

Dans le bureau spartiate où l'on m'accueille, il y a toutes sortes d'appareils, un ordinateur, une bouteille de désinfectant. Pourtant, je ne suis pas à l'hôpital ni chez mon médecin. Je suis au Sporting Club du Sanctuaire, un centre de conditionnement physique de Montréal. Le masque dans lequel on me fait respirer en pédalant sur un vélo stationnaire sert à mesurer ma forme physique par l'intermédiaire de ma consommation d'oxygène. L'estomac vide, c'était pour ne pas brouiller les signaux électriques d'un appareil de bioimpédance, qui mesure avec un très faible courant ma proportion de masse musculaire.

Un autre engin est là pour mesurer ma force, et on s'apprête à m'installer en brassard une petite machine qui tiendra un journal de mes déplacements et de mon sommeil pendant sept jours.

Suis-je en route pour les Jeux olympiques? Mieux, pour la Lune? Pas du tout, je suis une coureuse très moyenne. Je teste les nouveaux services high-tech du Sanctuaire. Objectif: m'aider à passer sous les deux heures au demi-marathon. Ils m'ont même fixé un rendez-vous avec une nutritionniste, Évelyne Deblock, qui me conseille de changer de sorte de céréales et de mieux manger avant mes courses... «Oui, me dit-elle, ça aussi, ça va vous aider à courir plus vite!»

Toute la science, la technologie et les techniques d'entraînement, jadis réservées aux hôpitaux et aux sportifs d'élite, sont maintenant partout et prennent leur place à la vitesse d'Usain Bolt dans les centres de conditionnement physique. Il est loin, le temps où une montre chrono faisait le gros du boulot.

«Je me rappelle quand je m'entraînais pour les Jeux olympiques de 2000», explique Mathieu Sauvé, ancien escrimeur aujourd'hui copropriétaire du Peak Centre de haute performance, sur le chemin de la Côte-de-Liesse. «Les tests qu'on a aujourd'hui n'étaient même pas disponibles pour l'élite!»

Les chiffres du sport

Personnellement, en 2004, donc il y a seulement huit ans, quand j'ai couru mon premier 5 km, mon temps n'a jamais été officiellement enregistré. Pourquoi? Parce que personne ne m'avait expliqué qu'il fallait prendre un bout de papier avec un numéro à la fin de la course et attendre en ligne pour être inscrit à la mitaine sur une liste... Aujourd'hui, personne ne se pose ce genre de question: une puce électronique collée au dossard ou accrochée à la chaussure communique avec un capteur au départ et à l'arrivée du parcours et fait le travail tout seul.

De plus, quand on courait dans les années 90, on partait avec une montre numérique. Aujourd'hui, on a une ceinture sur le thorax qui relaie électroniquement les fréquences cardiaques à une montre qui mesure aussi les distances parcourues en communiquant avec un satellite.

Et je ne vous parle même pas des logiciels qui peuvent communiquer avec ladite supermontre pour tenir un journal de ses courses, de ses temps, de son coeur...

Pour amateurs sérieux

Ces appareils ne sont pas utiles à tous, et certainement pas essentiels pour faire du sport. La bonne vieille course qui se pratique avec une paire de chaussures de sport confortables et un peu de motivation fait encore très bien le boulot. Mais n'importe quel sportif qui court ou roule depuis un moment pourra avoir envie de se lancer d'autres défis ou de dénouer une impasse. Et c'est là que les nouveaux services, tests et programmes de pointe entrent en scène.

«On n'est pas là pour monsieur et madame Tout-le-Monde qui veut se remettre à l'exercice pour perdre du poids, indique Mathieu Sauvé. On est là pour des professionnels et des amateurs sérieux qui veulent des données, des chiffres et des résultats.»

Dans ce centre, où l'on a déjà évalué la condition physique des membres du Lightning, des Sénateurs, du Canadien et de l'Impact, en plus de centaines de marathoniens, cyclistes et autres triathloniens amateurs, on trouve une machine pour s'habituer à l'exercice en altitude en respirant de l'air appauvri en oxygène et une autre qui mesure l'acide lactique dans le sang, à l'effort, avec prise de sang. Sans parler des appareils pour transformer un vélo de route en vélo stationnaire, branché directement sur un ordi.

«La clientèle typique pour ce genre de service a de 40 à 55 ans, dit M. Sauvé. Ce sont des gens éduqués qui font un bon salaire, qui sont un peu frustrés de leurs performances ou alors qui ont l'impression d'avoir fait le tour du jardin sans résultat.»

Certains veulent faire de la course, d'autres du vélo. Le triathlon est aussi populaire.

Décrypter

Au Sporting Club du Sanctuaire, on vise une clientèle plus large en offrant comme service, par exemple, l'évaluation par accéléromètre, une sorte de capteur gyroscopique électronique que l'on porte sur le haut du bras pendant une semaine pour tenir un journal exhaustif de tous les mouvements. Le but, explique l'entraîneur Thibault Gonnet, est d'obtenir des données pour mieux comprendre la personne à entraîner. Une personne qui tourne peut-être en rond sans savoir pourquoi. «Le but est de voir, par exemple, si la personne assise à l'ordi durant toute la journée, mais qui s'entraîne une heure le soir, trois fois par semaine, fait réellement suffisamment d'activité physique. Elle en fait peut-être moins que celui qui ne s'entraîne pas, mais marche partout et monte des escaliers et a un travail moins sédentaire.»

La minimachine permet notamment de mesurer le sommeil de celui qui la porte, une autre donnée pertinente, note M. Gonnet.

Mais il n'y a pas que les appareils de haute voltige qui permettent aujourd'hui à tout le monde ou presque d'avoir un traitement olympien. Il y a aussi les entraîneurs.

Au Club Sportif MAA, l'entraîneur Dorys Langlois, marathonien émérite, peut conseiller autant une coureuse de fond qui veut passer de 1h45 à 1h35 au demi-marathon - vitesse très rapide - que la mère de famille moins aguerrie qui souhaite tomber sous la barre des 2h. Pour cela, il prépare des programmes sur mesure comprenant de longues courses et des entraînements fractionnés, avec temps calculés à la seconde près... Pour évaluer la forme de la coureuse, il faut parfois jusqu'à cinq rencontres. On compare les résultats sur tapis roulant et sur piste. On simule des courses: 100 m, 400 m, 5 km... On analyse la technique de course, avec vidéo, évidemment.

Quand arrive le marathon de Boston, où seuls les coureurs bien au-dessus de la moyenne sont conviés, Dorys Langlois va souvent sur place pour épauler ses sportifs, mais les puces électroniques portées par les coureurs permettent aussi maintenant de les suivre à la trace, bien installé devant son ordinateur, grâce à l'internet!





Combien ça coûte?

La course est populaire notamment parce qu'elle ne coûte pas cher. Pas besoin d'équipement coûteux. Et pas besoin d'être membre d'un gym. Retenir les services d'un entraîneur privé est donc souvent le seul coût réel lié à ce sport. En outre, on paie généralement un prix fixe pour l'évaluation physique, puis un montant pour chaque séance d'entraînement privé ou en groupe, ainsi que pour un programme. Une séance d'entraînement de groupe d'une heure, pour la course, peut coûter une quinzaine de dollars, ce qui se compare aux tarifs de yoga ou de Pilates. Un programme peut coûter entre 25$ et 50$. Mais les tarifs des entraîneurs varient grandement. Une évaluation totale de la condition physique au Centre Peak coûte 200$. Au Sporting Club du Sanctuaire, les tarifs vont de 50$ à 300$, selon ce qu'on fait évaluer. Dans les deux cas, nul besoin d'être membre du club pour avoir accès au service. Il ne faut pas oublier aussi de vérifier ce que les régimes d'assurance privés peuvent couvrir.





Photo Marco Campanozzi, La Presse

Ian Scott s'entraîne sous la supervision de Mathieu Sauvé au Peak Centre Montréal de haute performance.

Dans les clubs des grandes chaînes

Dans les grandes chaînes, la clientèle est différente, notent les entraîneurs. La plupart du temps, on travaille avec des gens qui se mettent ou se remettent au sport et n'ont pas besoin de programmes et d'appareils d'évaluation très complexes. On parle souvent de perte de poids plutôt que de performance sportive. «La mesure de la lactatémie, par exemple, ce n'est pas notre clientèle», explique Martin Lacharité, directeur du développement et de la formation en activité physique chez Nautilus Plus. En outre, cette mesure est controversée, note-t-il.

Mais la chaîne possède d'autres engins. M. Lacharité explique qu'elle s'est dotée d'une machine pour mesurer les échanges gazeux, le fameux V02 max. «C'est un appareil portatif. On peut donc le déplacer d'une région à l'autre, d'un local à l'autre.» Les centres ont aussi des appareils de bioimpédance «tétrapolaires», un peu plus poussés que ceux des premières générations, pour mesurer les pourcentages de masse musculaire et de graisse. En outre, des logiciels de gestion de l'entraînement aident beaucoup la relation entre l'entraîneur et l'entraîné. «On peut être plus précis», dit-il.

Chez Énergie Cardio, Jean-Denis Thomson, directeur du service de l'entraînement, insiste lui aussi sur les nouveaux logiciels qui permettent de tirer meilleur parti de données qu'on recueille depuis longtemps: mesure du pli cutané, fréquences cardiaques, etc. «Oui, on a des coureurs de marathon et des triathloniens, note-t-il, mais ce n'est pas notre principal créneau, qui est plutôt le débutant qui veut se remettre en forme.»

Pour l'aider, ce n'est pas de la haute techno qu'il faut, mais plutôt une approche humaine appropriée. «Il faut minimiser le risque d'abandon.» Et pour ça, l'entraîneur personnel joue un rôle, les groupes aussi, une ambiance non intimidante. «Parfois, c'est juste de faire de l'exercice avec un petit groupe d'amis qui rend l'activité plaisante et fait toute la différence.»

Photo Marco Campanozzi, La Presse

L'entraîneur-chef Stéphane Boivin supervise une batterie de tests au Sporting Club du Sanctuaire.