Qui a dit que l'hiver il fallait se réfugier à l'intérieur, sous les couvertures, pour attendre le retour des beaux jours? Certainement pas ces quatre passionnées de sports d'hiver! Rencontre avec des femmes qui bougent. Mylène Martel D'eau et de glace

Quand Mylène Martel, 35 ans, se retrouve sur le fleuve, elle ne pense plus à rien. Pas même à ses enfants. Comme si, l'espace d'une sortie, ses tracas quotidiens étaient engloutis sous la glace. «Je décroche, il n'y a plus rien d'autre qui existe.»

Mylène fait du canot à glace depuis 15 ans. Pour elle, le bonheur est synonyme de vents et de marées, de cils givrés et de pieds gelés, de poudrerie et de camaraderie. Pour elle, rien n'est plus normal que de filer sur l'eau et de tirer un canot sur la glace alors que le thermomètre indique -25 ¿ C.

«Les conditions sont parfois extrêmes, nous sommes à la merci du temps. D'une sortie à l'autre, on ne sait pas comment ça va se dérouler, c'est ce que j'aime le plus, confie-t-elle. Lorsqu'il y a de la poudrerie, on ne voit pas devant. Si le vent pousse vers Québec, ça donne beaucoup de glace. S'il pousse dans le sens de la marée, on aura beaucoup plus d'eau. Le défi pour moi est de choisir la bonne ligne, d'attendre le signal du fleuve.» Mylène est capitaine.

Cet hiver, elle doit passer son tour. Elle vient d'accoucher de son troisième enfant et deux de ses coéquipières sont enceintes. Leur canot, le Georges V, ne touchera pas les flots.

Les coureuses de canot à glace sont peu nombreuses sur le circuit québécois. Peut-être 50 sur un total de 300 coureurs, selon les chiffres de l'Association des coureurs de canot à glace du Québec.

Quelles que soient les conditions, les femmes doivent être en forme pour performer en course. Le canot mesure 28 pieds et pèse 275 livres. «Quand on part, on doit revenir. Si on prend une pause, on peut rapidement se retrouver au large, lance Mylène, en riant. Ramer sans arrêt, c'est souffrant. Mais même quand ça fait mal, on doit continuer. Pour réussir, il faut avoir le couteau entre les dents.»

L'entraînement débute à l'automne et s'intensifie dès Noël. Son groupe s'entraîne alors trois fois par semaine à la rame. S'ajoutent des entraînements par intervalles, comme ces enfilades d'entrées et de sorties du canot sur la rivière Saint-Charles. Chacune complète le programme par des sorties de jogging ou de ski de fond.

Avec des enfants à la maison, ça prend beaucoup d'organisation, un conjoint compréhensif et des grands-parents généreux. «Mon conjoint fait aussi du canot à glace, il comprend. On planifie nos horaires en conséquence: il s'entraîne le matin, moi l'après-midi. La fin de semaine, on fait garder les enfants après avoir patiné avec eux.»

Un sport extrême, le canot à glace? «Pour les débutants, le fleuve peut paraître menaçant. Mais je dirais que le rafting (ndlr: elle a déjà été guide) est plus dangereux. En canot, il y a deux dangers. Lorsqu'on colle trop les murs de béton, on peut se faire coincer entre la glace et le mur. L'autre danger, c'est de verser à la ligne de cisaillement, entre la glace statique et les glaces mouvantes.»

En attendant de reprendre le large, Mylène Martel ira peut-être assister à la première course de la saison, La Grande Traversée Casino de Charlevoix, qui aura lieu les 27 et 28 janvier à l'Isle-aux-Coudres. C'est la seule course en eau salée. Elle meurt d'envie de canoter, d'avoir les mitaines mouillées, les pieds gelés. Et le coeur léger.

Essayer?

Un canot coûte 14 000$, la plupart des équipes sont commanditées. Si on souhaite former une équipe ou en intégrer une, on s'informe auprès de l'Association des coureurs de canot à glace du Québec (canotaglace.org). Pour participer à une course du circuit, un équipage qui ne cumule pas cinq années d'expérience doit suivre une formation d'au moins cinq heures.

Un sport traditionnel

«La traversée du fleuve en canot au gré des glaces date du début de la colonie au XVIIe siècle. C'était le seul moyen de traverser le fleuve entre Québec et Lévis, quand le pont de glace ne prenait pas. Dans les années 1860, plus de 200 canotiers, surtout de Lévis, assuraient la traversée des personnes et des marchandises pendant la période hivernale. Les bateaux à vapeur ont éventuellement fait disparaître cette pratique traditionnelle à la fin du XIXe siècle. La première course en canot à glace a eu lieu en 1894.»

Source: ACCGQ