Pour s'assurer d'un ventre plat et de jambes galbées, les stars Courteney Cox, Rachel Weisz et Elle Macpherson ne jurent que par la plateforme vibrante. Sting traînerait sa propre machine en tournée. Même Rafael Nadal et les joueurs du Canadien de Montréal vibrent à l'entraînement. Au Québec, les centres proposant la technologie Power Plate se multiplient. La Presse en a fait l'essai.

Ouvert il y a deux ans dans le Vieux-Montréal, le centre 3P gym se consacre exclusivement à l'entraînement Power Plate, fort populaire aux États-Unis et en Europe. Trois plateformes vibrantes sont disposées le long d'un mur. Un entraîneur supervise chaque client pendant des séances de 25 minutes. «La Power Plate optimise la tonification musculaire au maximum. Une séance de 30 minutes équivaut à 90 minutes d'entraînement avec poids libres. On l'utilise non pas pour perdre du poids, mais pour découper le corps», assure Frédéric Persico.

La Power Plate émet de 20 à 50 vibrations/seconde, c'est-à-dire une fréquence variant de 20 à 50 Hz et ce, dans trois directions. Chaque vibration provoquerait une contraction réflexe musculaire. Les muscles travaillent si fort, dit-on, que trois séances de 15 minutes par semaine, pendant six semaines, suffisent pour en voir les effets. Le fabricant avance aussi que l'entraînement sur plateforme améliore la circulation sanguine, la force et la flexibilité musculaires, contribue à la perte de poids et réduit la cellulite de 25% en six mois. Ce joujou, qui se détaille à 10 000$, est-il miraculeux?

Après avoir revêtu une tenue sportive, je m'installe sur la plateforme, les mains sur les poignées. La vibration, bien présente, n'est pas dérangeante. Durant cette séance d'essai, les exercices et postures de musculation s'enchaînent à intervalles de 30 secondes: squat sur une jambe, redressements assis avec ballon, pompes. Frédéric reste à mes côtés et corrige ma posture lorsque nécessaire. «Détends tes trapèzes, remonte la jambe.» La fatigue musculaire ne tarde pas à se faire sentir. «Lorsqu'on pousse les exercices à l'extrême, même les plus sportifs n'en peuvent plus après cinq minutes», dit-il.

La plateforme, qu'on trouve dans des studios de yoga, spas, centres d'amaigrissement et salons d'esthétique, attire une clientèle essentiellement féminine. Dans la région de Montréal, une quinzaine de centres offrent l'entraînement sur Power Plate. Croisée chez 3P Gym, Hélène est une cliente convaincue. «Je m'entraîne sur plateforme depuis avril. C'est un cadeau que je me suis offert pour mon 50e anniversaire. Je souhaitais être découpée, ça marche. J'adore ça.» Pour 20 séances, il faut débourser 500$.

Sur le site web du fabricant, les références scientifiques abondent. Depuis 10 ans, les études pullulent sur l'entraînement par vibration... sans résultats concluants. C'est le constat auquel arrivent plusieurs revues de littérature scientifique. «Les recherches ne sont pas concluantes. Les résultats des études sont contradictoires, les échantillons sont souvent trop petits et les chercheurs utilisent des paramètres différents qu'on ne peut comparer. Il faut pousser plus loin les recherches avant de se prononcer», confirme Andrée Dionne, kinésiologue au centre sportif de l'UQAM.

Après 15 minutes de vibration, j'ai la nette impression que mes muscles ont travaillé, et ce, sans sueur. Plus qu'avec des poids libres? Difficile à dire. Au lendemain de mon essai, j'ai quelques légères courbatures aux muscles abdominaux. Le hic? Une légère sensation d'étourdissement m'envahit immédiatement après l'entraînement et persiste pendant quelques heures.

Le directeur du département de kinanthropologie à l'UQAM, Marc Bélanger, n'est pas surpris.

Il a étudié l'effet de la vibration induite par les patins à roues alignées. «La vibration affecte la proprioception, c'est-à-dire la capacité de percevoir ses membres dans l'espace, d'où cette sensation étrange qu'on a après l'exposition», indique-t-il. Selon ses travaux, il est plus difficile de positionner une cheville par rapport à l'autre après avoir patiné. «La vibration crée un bouleversement neurophysiologique, entraînant une diminution de la puissance des réflexes musculaires, de l'équilibre et de la rapidité de réaction. Si on est exposé pendant 30 minutes, l'effet persiste aussi longtemps. Quelques études ont noté des réactions allant jusqu'à trois heures.»

Des risques

Les vibrations, dont les effets sont encore mal compris, ne sont pas sans danger. Les risques augmentent avec l'usage, et avec la fréquence et l'amplitude des vibrations. Les chercheurs font état d'altération du système sensoriel, de changements hormonaux, de troubles de vision, de douleur lombaire et musculo-squelettique. Dans les cas extrêmes, on a noté des dommages permanents aux articulations, aux vaisseaux sanguins, aux os et même aux organes internes.

«Le problème avec ces machines, c'est que les gens ne ressentent pas l'effort. Ils pensent que plus, c'est mieux et ne sont pas conscients des risques», explique Matt Jordan, chercheur à la Faculté de kinésiologie de l'Université de Calgary. Il a publié quelques articles scientifiques sur la question. «Il n'existe aucune réglementation quant à l'utilisation des vibrations dans un but sportif, mais tous les scénarios d'entraînement excèdent les standards de sécurité ISO.»

Si la posture est mauvaise et si les muscles travaillent peu ou mal, les risques de blessures sont amplifiés. «Il est important d'utiliser la machine sous supervision d'un entraîneur qualifié en kinésiologie», insiste Andrée Dionne de l'UQAM. À noter: la plateforme est notamment contre-indiquée lors de grossesse, pose récente de stérilet, migraine, hernie discale, ostéoporose, pierre aux reins.

Si les experts mettent en garde les utilisateurs, ils ne jettent pas le bébé avec l'eau du bain. «Avec le bon dosage, on suppose que l'entraînement avec vibration peut avoir un effet positif sur les muscles et la densité osseuse», indique Matt Jordan. On pense aussi que la machine serait efficace comme échauffement pour les athlètes et en réadaptation.

«C'est un beau gadget intéressant, à utiliser avec modération, pour ajouter de la variété à un programme d'entraînement déjà établi», dit Andrée Dionne. Cela dit, l'UQAM ne compte pas se procurer la plateforme.

Marc Bélanger n'est pas convaincu. «Je crois très peu en ce genre de machine. On surestime l'importance du réflexe toni-vibratoire, peu de personnes ont ce réflexe. Pour moi, c'est comme prétendre maigrir grâce à de la lotion! C'est une machine dispendieuse pour un effet minimal.»