Faisant fi des panneaux d'avertissement rouges et blancs, Sri Mulyati se dirige lentement vers une voie de chemin de fer à proximité de la capitale indonésienne, Djakarta, et se couche sur les rails.

Comme la douzaine d'autres personnes sur place, la diabétique de 50 ans a abandonné tout espoir envers les médecins et ne peut s'offrir les médicaments dispendieux qu'ils prescrivent. Pour elle, il n'y a plus qu'une seule option: la thérapie électrique. «Je vais continuer à faire ça tant que je ne serai pas complètement guérie», a dit Mme Mulyati, dont le corps s'agite visiblement quand l'approche d'un train de passagers envoie dans son organisme une décharge supplémentaire d'électricité. Elle s'écarte rapidement des rails pour éviter le train, mais reprend place dès le dernier wagon parti.

De présumés traitements médicaux sont incroyablement populaires en Asie - où des centaines, voire des milliers, de personnes accourent pour être miraculeusement guéries en touchant une pierre magique ou encore en consommant la bouse d'une vache sacrée. Cela est particulièrement vrai en Indonésie, où le sous-financement chronique et la décentralisation chaotique du système de santé public depuis 1998 ont miné la confiance de la population. Des experts médicaux affirment que rien ne permet de croire à l'efficacité de cette «thérapie ferroviaire», mais Mme Mulyati prétend être plus soulagée des pires symptômes de sa maladie - l'hypertension artérielle, l'hypercholestérolémie et l'insomnie - qu'à n'importe quel autre moment depuis son premier diagnostic, il y a 13 ans.

Elle s'est tournée vers cette thérapie l'an dernier, après avoir entendu qu'un Chinois partiellement paralysé qui s'était allongé sur les rails pour mourir a plutôt été guéri. L'histoire est si connue en Indonésie que, jusqu'à tout récemment, ce sont 50 personnes qui fréquentaient les rails de Rawa Buaya chaque jour. L'achalandage a toutefois diminué depuis que les policiers et les autorités ferroviaires ont décidé de durcir le ton. De nouvelles affiches menacent les contrevenants de peines de trois mois de prison et d'amendes de 1800 $ US.

Aucune arrestation n'a encore eu lieu, et cette thérapie n'a pas encore fait de victime. La douzaine de patients convaincus qui s'y rendent encore chaque jour n'ont aucune intention de s'en aller. «Ils nous ont dit d'arrêter, mais que voulez-vous que je fasse d'autre?, a dit Hadi Winoto, un homme de 50 ans qui se déplace difficilement depuis qu'il a subi un accident vasculaire cérébral. Je veux être guéri, donc je dois revenir.»