Les stocks de plusieurs médicaments sont épuisés en ce moment, au Québec, et le phénomène prend de l'ampleur de façon inquiétante, a appris La Presse. Au cours du mois d'octobre, les pharmaciens ont été avisés qu'au moins 10 médicaments ne sont plus disponibles, dont un antibiotique contre les infections respiratoires, un antidépresseur, un médicament pour les troubles psychotiques comme la schizophrénie et des médicaments contre l'hypertension artérielle.

Si la plupart de ces produits peuvent être remplacés par leur équivalent générique, il en va autrement d'un médicament qui n'est plus en pharmacie depuis le 1er novembre, le Purinethol, essentiel pour soigner la maladie de Crohn et utilisé aussi contre la leucémie. Son fabricant, Teva North America, a confirmé à La Presse qu'il n'est plus en mesure de le produire, mais il est resté vague sur les motifs de cet arrêt de fabrication.

«Nous faisons face à une contrainte que nous espérons pouvoir remédier bientôt» (sic), a expliqué par écrit la directrice des communications de la société, Denise Bradley. Elle a précisé que le fabricant comprend l'importance de ce médicament pour les patients et qu'il travaille ardemment afin de pouvoir recommencer à le distribuer, sans toutefois fournir d'autres détails.

La présidente de l'Ordre des pharmaciens du Québec, Diane Lamarre, explique que les ruptures de stock de médicaments ont commencé à se faire sentir en 2009 mais qu'elles s'accentuent cette année, ce qui préoccupe les pharmaciens. Elle entend même interpeller les dirigeants concernés pour mettre au point une «stratégie nationale afin de garantir l'accessibilité des médicaments».

«Ce qui est nouveau au sujet de ces ruptures, dit-elle, c'est qu'elles perdurent pendant plusieurs mois. C'est beaucoup de travail pour les pharmaciens. Plusieurs grands facteurs expliquent ces ruptures, mais l'un d'eux est l'acquisition des usines de fabrication par l'Inde et la Chine. Ça nous rend vulnérables, surtout quand ces pays sont touchés par des catastrophes», ajoute Mme Lamarre.

Au Québec, c'est la Régie de l'assurance maladie (RAMQ), avec l'avis du Conseil des médicaments du Québec, qui informe les pharmaciens des médicaments qui sont en rupture de stock. La RAMQ leur propose des formules de remplacement. Dans le cas du Purinethol, toutefois, aucun avis n'a encore été envoyé, ce qui pourrait s'expliquer par le fait qu'il n'existe pas de formule générique.

Marc Lortie, porte-parole de la RAMQ, explique que, dans de rares exceptions, on permet aux pharmaciens habilités de préparer eux-mêmes des formules magistrales avec l'appui d'autres fabricants. L'idée consiste, grosso modo, à se procurer la molécule du médicament (son ingrédient principal) auprès des fabricants génériques.

À la Fondation canadienne des maladies inflammatoires de l'intestin, on affirme que plusieurs patients inquiets ont téléphoné au cours des derniers jours. Atteinte de la maladie, Mélanie Dufour, jeune femme dans la trentaine qui vit dans la région de Sherbrooke, explique qu'elle a dû être hospitalisée trois fois dans la dernière année: «Ce médicament est essentiel pour maîtriser les crises, a-t-elle expliqué. Il y en a bien un autre, mais il peut entraîner des malformations chez l'enfant en cas de grossesse. Il est donc hors de question que je le prenne. Et l'autre que j'ai déjà essayé me donne des maux de coeur épouvantables.»

Le Dr Louis-Charles Rioux, gastroentérologue de renom de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, a reçu lui aussi plusieurs appels de pharmaciens et de patients inquiets dans les derniers jours. En attendant la reprise de la production du Purinethol, il conseille de prendre le médicament dont parle Mme Dufour, Inuran.

«La molécule est la même une fois absorbée par le foie, et les effets secondaires devraient s'estomper avec le temps, explique-t-il. Mais il faut faire attention au dosage, qui doit être établi selon le poids du patient. C'est le double dans le cas de l'Inuran, un médicament prisé par les médecins dans l'ouest du Canada.»

L'un des grands acteurs dans le domaine des médicaments au pays, Santé Canada, n'a pas rappelé La Presse. C'est cette agence fédérale qui est chargée, notamment, d'approuver les médicaments avant leur mise en marché au pays.