Le Dr Paul Clifford Blais, omnipraticien qui pratique à LaSalle depuis près de 30 ans, est en croisade afin de modifier la façon dont les médecins facturent leurs services. Dans une lettre envoyée hier au ministre de la Santé, il explique qu'il est urgent de permettre aux médecins généralistes de facturer plus d'un examen médical lors d'une même séance avec un patient. Selon lui, c'est la seule façon d'assurer des soins adéquats aux clientèles vulnérables, dont les personnes âgées.

«Actuellement, si un médecin prend une heure pour traiter cinq problèmes au même patient, il fait 30$. Mais s'il voit cinq patients en une heure, il fait 150$! Tous les médecins devraient facturer plus d'un examen médicalement requis par séance. Sinon, les clientèles complexes continueront de ne pas être prises en charge.»

Lorsqu'un patient se présente dans le cabinet d'un omnipraticien pour faire traiter plusieurs problèmes, le médecin ne facture que l'examen médical le plus cher. «Si je traite un patient qui a un mal de dos, du diabète et une dépression, on me dit que je ne dois facturer que l'examen le plus cher, alors que je corrige plusieurs choses! Ça n'a pas de sens et ça doit changer», estime-t-il.

Il soutient qu'aucune loi n'empêche les omnipraticiens de facturer plusieurs examens médicalement requis lors d'une même visite. C'est pourquoi, depuis le début des années 2000, il ne se gêne pas pour le faire.

Mais cette pratique a attiré l'attention de la Régie de l'assurance maladie du Québec (RAMQ), qui lui réclame 300 000$ en surfacturation. Au mois de janvier prochain, le Dr Blais passera devant le Tribunal administratif du Québec afin de prouver que tous les examens médicaux qu'il a faits étaient médicalement requis et que sa pratique est légale.

La RAMQ n'a pas voulu commenter le dossier. La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) affirme quant à elle que la convention collective interdit aux médecins de famille de facturer plus d'un examen au cours de la même consultation.

Le directeur des affaires professionnelles de la FMOQ, le Dr Michel Desrosiers, explique que si plusieurs gestes médicaux sont nécessaires au cours de la même consultation, ils sont regroupés dans un examen «ordinaire», «complet» ou «complet majeur». «Mais un médecin ne peut pas facturer deux examens durant la même séance», dit-il. Par exemple, un patient qui a mal à la hanche et qui fait du diabète verra ses deux problèmes traités au cours d'un examen complet.

Le Dr Desrosiers reconnaît que la convention collective des omnipraticiens date d'il y a 30 ans, au temps où l'accès aux médecins était plus facile. «Les patients n'arrivaient pas dans les bureaux avec une liste de problèmes. Je comprends que ce soit frustrant actuellement pour un médecin de régler plusieurs problèmes et de ne pas être payé pour chacun. Mais c'est comme ça.»

Le Dr Desrosiers ajoute que des mesures incitatives ont été mises en place pour encourager les omnipraticiens à prendre en charge les clientèles vulnérables.

Le Dr Blais juge pour sa part que les omnipraticiens traitent de plus en plus de patients qui ont des maladies multiples et que les nombreux examens à faire dans ces cas doivent être individuellement reconnus. «Sinon, les médecins vont continuer de soigner un seul problème par patient dans des cliniques sans rendez-vous et de diriger le patient vers les spécialistes pour le reste.»

Le Dr Blais est conscient du fait que sa position dérange, notamment parce que, en facturant tous ces examens, son salaire avoisine celui d'un médecin spécialiste. «Mais au-delà de l'argent, si les omnipraticiens faisaient comme moi, la clientèle vulnérable verrait ses problèmes réglés rapidement en première ligne et n'aurait plus besoin d'aller aux urgences pour tout.»

L'avocate Christine Kark, qui a défendu plusieurs médecins devant la RAMQ, affirme quant à elle que le fait de permettre la facturation de plus d'un examen durant la même séance risquerait d'entraîner plus de cas de surfacturation. Une crainte que le Dr Blais croit apaiser en janvier prochain, en prouvant que tous ses examens étaient médicalement requis.