Des gélules d'oméga-3 peuvent-elles être aussi efficaces que des antidépresseurs pour traiter certains types de dépression? Des chercheurs montréalais concluent que oui. Mais pas n'importe quels oméga-3 et pas pour tous les dépressifs.

Une équipe du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) a dévoilé lundi les résultats de son étude, la plus importante faite sur la traitement de la dépression avec des oméga-3. «Les antidépresseurs conventionnels ont des limites», indique le Dr François Lespérance, chef de département de psychiatrie du CHUM et auteur principal de l'étude. Pour des patients souffrant de dépression sans troubles d'anxiété, un traitement aux oméga-3 est efficace et peut même remplacer les antidépresseurs, conclut l'étude.

«Ce n'est pas une panacée pour tout le monde, dit le psychiatre, mais c'est un traitement intéressant pour beaucoup de monde.»

Des patients québécois et ontariens, 432 au total, ont participé au projet. Ils souffraient tous d'une dépression majeure, de modérée à sévère. C'est-à-dire qu'ils avaient plusieurs symptômes dépressifs. La situation ne devait pas être passagère.

Le Dr Lespérance souligne d'ailleurs le caractère inclusif de son étude: des patients de différents profils y ont participé pour ainsi mieux refléter l'hétérogénéité de la maladie en général. Les patients étaient toutefois divisés en sous groupe, pour fins d'analyse. C'est ce qui a permis d'observer que la prise d'oméga-3 était significativement efficace seulement pour les patients dépressifs qui n'avaient pas de troubles d'anxiété.

Durant huit semaines, la moitié du groupe a été traitée avec des gélules d'oméga-3 de type AEP, ceux qui se trouvent naturellement dans les produits marins. Les oméga-3 de source végétale, contenus notamment dans les graines de lin ou les graines de chia, sont les AAL. Ils ne sont pas du tout impliqués dans cette étude.

Les participants recevaient un apport quotidien total d'un peu plus de 1000 mg d'oméga-3 AEP, l'équivalent d'une bonne portion de poisson. Environ 100 grammes de saumon et un peu moins de hareng en contiennent autant.

L'étude a toutefois été réalisée avec des gélules, ce qui permettait de contrôler parfaitement la dose, impossible à faire avec la diète quotidienne. La prise de capsules permettait surtout de diviser le groupe en deux: une moitié recevant un placebo.

Gare à l'autodiagnostic

Ces résultats pourraient-ils inciter des patients sous médication à substituer d'eux-mêmes leurs antidépresseurs pour des comprimés d'oméga-3? Oui, c'est un risque, admet le Dr Lespérance, qui rappelle que tous les traitements contre la dépression doivent être faits sous supervision médicale.

Le Dr Lespérance assure que la communauté médicale, en générale, est assez ouverte à considérer des traitements alternatifs. «C'est une demande qui vient des patients», dit-il.

C'est le cas d'une participante à l'étude qui était présente lundi au dévoilement des résultats. La dame, qui préfère conserver l'anonymat, refusait un traitement antidépresseur traditionnel. Elle avait souffert d'un cancer du sein et estimait avoir déjà consommé suffisamment de médicaments. Elle était toutefois ouverte à tenter l'expérience oméga-3. Sa situation s'est grandement améliorée durant l'étude.

Selon le Dr François Lespérance, plusieurs patients sont effectivement très réfractaires à débuter un traitement d'antidépresseurs. D'autres sont intolérants à certaines classes de médicaments ou souffrent d'effets secondaires désagréables. De 15% à 20% des patients stoppent leur médication en cours de route. Pour eux, un traitement avec oméga-3 pourrait être une solution de rechange intéressante, estime le spécialiste.

L'étude a été financée majoritairement par la société française Isodis-Natura, cofondée par l'auteur à succès David Servan-Schreiber. Le célèbre psychiatre a d'ailleurs joué un rôle de consultant au début du projet, en 2006, mais il a depuis quitté la société. Les fabricants de suppléments ont fourni 400 000 $, soit 70% des coûts totaux de cette recherche, en plus de donner toutes les gélules nécessaires à sa réalisation. Le Dr Lespérance a précisé lundi qu'il n'y avait aucune pression ni interférence de la part des donateurs. Le fabricant a toutefois profité du dévoilement des résultats de l'étude pour glisser un petit prospectus publicitaire de ses produits dans la pochette remise aux représentants de la presse.

La Fondation du CHUM et le Centre de recherches du CHUM ont compléter le financement de l'étude dont les résultats viennent d'être publiés dans l'édition en ligne de la revue spécialisée The Journal of Clinical Psychiatry.

Les chercheurs québécois considèrent qu'il faut poursuivre les recherches, notamment au niveau de la prévention de la dépression par les oméga-3.