La fameuse chemise d'hôpital qui laisse les fesses à découvert pourrait devenir un vestige du passé au Québec. Une diplômée de l'École de design industriel de l'Université de Montréal et sa professeure sont parvenues à révolutionner la chemise traditionnelle (erronément appelée «jaquette») en mettant au point un vêtement qui assure à la fois la dignité du patient et l'accès au corps pour le personnel soignant.

Après plus de cinq ans de recherche, Noémi Marquis, pour qui il s'agissait d'un projet de fin d'études, et Denyse Roy ont mis au point la chemise «Duo». Dépourvue de boutons-pression, de cordons ou d'attaches velcro qui peuvent s'endommager, elle est faite d'un tissu composé à 65% de polyester et à 35% de coton. Elle peut être unie ou à motif, par exemple des flocons de neige.

 

«La chemise a été testée avec succès à l'hôpital St. Mary, explique Noémi Marquis, maintenant coordonnatrice de l'Association des designers industriels du Québec. Il s'agit en fait de deux chemises identiques superposées. L'un des défis était de concevoir un modèle unisexe dont les manches seraient adaptées à la superposition. On a donc conçu des manches formées de deux morceaux de tissu en forme de pétales de tulipe.»

En plus de mettre fin au problème du fessier à découvert, la chemise Duo a l'avantage de convenir aux personnes obèses et aux femmes enceintes et est suffisamment longue pour couvrir les genoux. Les designers ont aussi pensé à des modèles avec un panneau d'ouverture devant pour les soins cardiaques.

Normes de la chemise

Au Québec, la chemise d'hôpital doit répondre à des normes sévères. Elle doit avoir une longueur et un poids précis et être faite d'un textile prédéterminé qui ne se déchire pas. Ces normes sont énoncées dans un cahier de fournitures d'hôpital mis en place il y a 10 ans.

Pour la fabrication et la distribution de la chemise, les deux designers ont l'appui de l'entreprise W. Laframboise, fournisseur de linge d'hôpital depuis plus de 50 ans au Québec. L'un des représentants de l'entreprise, Sylvain Laframboise, a expliqué hier à La Presse que, pour l'instant, il est envisageable de vendre la chemise aux établissements privés, mais que ce ne sera pas une mince affaire de changer les moeurs dans les grands hôpitaux.

«Il faut que le buandier soit d'accord, dit-il. Ensuite, il doit convaincre chaque service de l'établissement. Et si tout le monde est d'accord, il faut former le personnel soignant à l'utilisation de la chemise. Il faut enfin trouver un moyen d'informer les patients au moyen de pancartes ou de dépliants. On a fait des représentations, mais il semble difficile pour les directions de la santé de sortir de leurs contrats d'approvisionnement.»

Malgré la difficulté de commercialisation, les deux conceptrices ont obtenu un brevet pour le Canada et les États-Unis. Avant elles, plusieurs designers avaient essayé sans succès de concevoir une chemise qui cache les fesses et réponde aux besoins du personnel soignant.

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LA CHEMISE D'HÔPITAL EN CHIFFRES

> 80% d'entre elles servent lors d'examens;

> La chemise passe plus de temps dans le transport et la buanderie que sur le patient;

> Elle coûte 5$ à l'achat et 0,31$ d'entretien (poids actuel de 250g);

> Sa durée de vie est en moyenne de 200 lavages

> Si on additionne son coût d'achat à celui de l'entretien pour 200 lavages, une chemise revient à 67$;

> En comparaison, une chemise jetable coûte 0,75$.

- Source: Université de Montréal