Quatre ans après que les Français eurent été obligés d'éteindre leurs cigarettes dans les lieux publics, un pneumologue réputé vient de rallumer la controverse en niant les effets nocifs du tabagisme passif.

Sa sortie a suscité une réprobation quasi unanime des experts, qui estiment qu'il existe un consensus scientifique solide sur la question.

 

Selon Philippe Even, doyen du prestigieux Institut de recherche Necker jusqu'en 2000 et auteur d'une centaine de publications scientifiques, «on a créé une peur qui ne repose sur rien» en estimant à plus de 6000 chaque année en France le nombre de morts causées par la fumée secondaire.

Dans une entrevue accordée au quotidien Le Parisien, il a disséqué les quelque 100 études sur la question: «Première surprise: 40% d'entre elles concluent à une absence totale de nocivité», dit-il. Les 60% restants aboutissent, au pire, à un risque de cancer multiplié par 0,15, «contre un risque multiplié par 10 ou 20 pour le tabagisme actif! C'est donc dérisoire. En clair, soit la nocivité est inexistante, soit elle est extrêmement faible», conclut le pneumologue.

Il estime que le «chiffon du tabagisme passif» a été agité pour ajouter de la pression sociale aux fumeurs que ni les campagnes antitabac ni les hausses de prix n'ont guéris. «Je ne crois pas qu'il soit bon de gouverner sur un mensonge», dénonce celui qui s'estimait muselé par son devoir de réserve en tant que doyen.

»Foutaise»

La communauté scientifique et les organismes de lutte contre le tabac ont largement dénoncé, voire ridiculisé ces propos. «C'est de la foutaise, il ne trouvera pas grand preneurs», estime le Dr George Honos, chef du département de cardiologie du CHUM et porte-parole de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. Les dangers du tabagisme passif sont si bien établis qu'on a maintenant des indications de la nocivité de la fumée tertiaire - par exemple, respirer les vêtements de quelqu'un qui a été exposé.

«On peut toujours sélectionner des études pour soutenir son parti pris, mais arriver comme ça avec des statistiques qui ne tiennent pas debout... ça peut faire beaucoup de mal», dit le Dr Honos.

Le Dr Gilles Paradis, médecin de santé publique à McGill, cite quant à lui le cas bien connu de la petite ville de Pueblo, au Colorado, qui a vu baisser de 27% le nombre d'hospitalisations pour crise cardiaque entre 2001 et 2006 après avoir interdit l'usage du tabac dans les lieux publics. «Les études sont très convaincantes, mais il y a de bonnes et de mauvaises études: il faut savoir faire la différence», prévient-il.