Quand Nir Giladi a commencé à chercher un moyen de mesurer la limitation des mouvements chez ses patients atteints de parkinson, la neurologue israélienne a été surprise de constater un écart important: les limitations réelles étaient très inférieures à ce à quoi elle s'attendait.

«J'avais des patients qui ne sortaient presque plus de chez eux, qui restaient assis toute la journée, explique la directrice de la neurologie du centre médical Sourasky, à Tel-Aviv. Et pourtant, ils avaient encore une bonne capacité de se déplacer et de contrôler leurs jambes, leur équilibre.»

Elle s'est rendu compte que ce qui les freinait n'était pas physique. C'était la gêne, la crainte de tomber ou de devoir demander de l'aide à des inconnus dans la rue.

Depuis 2007, Mme Giladi a publié plusieurs études sur le sujet dans des revues médicales.

«Au départ, cette gêne part d'une crainte très appropriée de tomber et de se faire mal. Mais si le patient en reste là, ses activités sociales sont considérablement diminuées, tout à fait inutilement. Nous pouvons travailler en thérapie de groupe pour que les patients puissent accepter que leurs difficultés de locomotion ne sont pas de leur faute, que c'est la faute de la maladie. Ils doivent accepter cette diminution.»

On leur montre aussi comment utiliser leur entourage et la foule dans la rue pour pallier leurs problèmes.

Ces petits trucs permettent de surmonter la peur et les patients peuvent regagner leur confiance.

Les autres

La gêne peut-elle être liée à l'opprobre d'autrui, au regard négatif que portent les proches sur les patients atteints de parkinson?

«Nous n'avons pas de données scientifiques à cet égard, mais nous l'observons, dit la Dre Giladi. Une chose certaine, la gêne du conjoint du patient joue un rôle. De nombreuses personnes en veulent à leur conjoint d'avoir besoin d'aide en public.»

Par exemple, dans un cocktail, si on doit entrer dans le cabinet de toilette avec son mari, on peut être gênée.

De plus, les patients atteints de parkinson souffrent parfois d'incontinence émotionnelle: ils ont de la difficulté à maîtriser leurs impulsions. Ils vont pleurer ou rire de manière inopportune, vont faire des commentaires de nature sexuelle.

Cela éclabousse le conjoint, explique la Dre Giladi. Et malheureusement, les gens vont considérer un patient qui a de la difficulté à maîtriser ses impulsions comme étant anormal, dément, alors que les atteintes cognitives sont beaucoup moindres en réalité.

Ce sont des patients qui ont encore toute leur tête, ajoute la Dre Giladi, ils ont simplement des problèmes de maîtrise.

Par ailleurs, une crainte démesurée de tomber qui immobilise un patient peut aussi être un signe de problèmes cognitifs, d'une dégénération neurologique différente du vieillissement normal.

Dépression

Pour compliquer le tout, la maladie de Parkinson s'accompagne souvent de dépression et d'apathie.

«Certains patients ont un manque de volonté, de désir, ils vont cesser de communiquer», explique Daniel Weintraub, psychiatre de l'Université de Pennsylvanie qui est l'un des rares à se pencher précisément sur les troubles psychiatriques associés au parkinson.

«Nous ne savons pas encore exactement comment traiter cette apathie, qui semble plus présente chez les patients très âgés sans qu'il y ait une relation nette avec le vieillissement. Ça complique le traitement de la dépression, dont souffrent de 20% à 25% des patients atteints de parkinson.»

Une étude japonaise a récemment avancé que la dépression et l'apathie ne sont pas nécessairement liées chez les patients atteints de parkinson.

«Le tiers des patients qui sont atteints de dépression et d'apathie n'ont pas les deux troubles en même temps», explique Hisao Tachibana, interniste du collège de médecine Hyogo, près de Kyoto, qui a publié ses résultats dans le Journal of Geriatric Psychiatry and Neurology.

«L'apathie est davantage un symptôme de problèmes cognitifs que la dépression, qui se limite à des difficultés affectives de communication. L'apathie est également plus stigmatisante que la dépression.»

Le Dr Weintraub note que les patients atteints de parkinson hésitent souvent à prendre des antidépresseurs. «Ils prennent déjà beaucoup de médicaments, dit-il. On peut essayer de faire de la psychothérapie comportementale, il semble que ça fonctionne assez bien. À moins qu'il n'y ait trop de problèmes d'élocution, qui indiquent de toute façon qu'il y a des problèmes cognitifs sur le plan de la concentration et de la mémoire.»

Selon lui, il faudrait plus de recherches sur les effets non moteurs du parkinson, comme la dépression.

Elle est souvent sous-diagnostiquée, parce que certains des symptômes, comme le manque d'appétit et de concentration, sont les mêmes que ceux du parkinson.

«C'est dommage, ajoute le Dr Weintraub, parce qu'on peut souvent y remédier davantage qu'au parkinson lui-même et que ça peut grandement augmenter la qualité de vie des patients.»