Ils ou elles ont de l'hypertension, du diabète ou du cholestérol, mais l'ignorent ou ne veulent pas le savoir : ce sont pourtant des malades qui, s'ils ne sont pas pris en charge, risquent à plus ou moins long terme un infarctus ou un AVC, mettent en garde des spécialistes.

«Cinq facteurs ont une influence lourde» sur les risques cardiovasculaires, selon Xavier Girerd, cardiologue à la Pitié-Salpêtrière et vice-président de la Société française d'hypertension artérielle : tabac, hypertension, excès de cholestérol, diabète et obésité abdominale. Et certains cumulent !

On estime à 14 millions l'ensemble des personnes traitées pour hypertension (10,8 millions), cholestérol (7,9 millions) et/ou diabète (2,4 millions).

Selon le Comité français de lutte contre l'hypertension, seulement un peu plus de la moitié (55,4%) des hypertendus traités seraient effectivement contrôlés, c'est à dire avec une pression artérielle dans les normes. En outre il y aurait 4,2 millions d'hypertendus non dépistés ou non traités.

Pourquoi y a-t-il des patients à risques cardiovasculaires qui s'ignorent ou ne se traitent pas ?

«Il y a toujours un décalage entre le risque objectif et la perception que le patient aura de son propre risque», a indiqué Silla Consoli, psychiatre à l'hôpital européen Georges Pompidou, lors d'une rencontre avec La Presse organisée jeudi par le laboratoire Boehringer Ingelheim. Certains l'exagèrent, d'autres au contraire le minimisent, voire l'ignorent.

L'annonce d'une hypertension ou d'un diabète, avec à la clé la perspective d'un traitement à vie, peut bouleverser l'idée qu'un individu se faisait de son «invulnérabilité», a-t-il expliqué. C'est aussi un coup de canif à l'image qu'il offre aux autres. D'où des stratégies d'échappement pour se protéger : minimisation, banalisation, intellectualisation ou carrément déni.

La relation qui s'établit avec le médecin est primordiale. «Plus on fait peur à un patient dans le déni, plus on renforce le déni», a souligné le Pr Consoli. Pas question d'infantiliser, ni de juger, selon les spécialistes.

Pour Claire Mounier-Vehier, cardiologue au CHRU de Lille, des sujets très jeunes ou au contraire très âgés ont davantage tendance à mal suivre leur traitement. C'est aussi le cas quand le traitement est compliqué (plusieurs médicaments en plusieurs prises), en cas de difficultés financières, ou chez les consommateurs d'alcool ou de tabac.

«On doit se donner entre 1 et 2 ans pour arriver à quelque chose de correct au niveau de la prévention», a-t-elle indiqué, expliquant que le médecin et son patient doivent se fixer des objectifs progressifs : diminuer le nombre de cigarettes, éviter de mettre une salière à table...

Pour sensibiliser ses patients à la réduction des risques, à Lille, dans une région touchée par la précarité et la pauvreté, le Pr Mounier-Vehier utilise l'image d'un caddie de supermarché rempli à ras bord. Au moment de «passer à la caisse», les «bons de réduction» (observance du traitement, mesures de prévention...) diminuent le prix à payer (infarctus...).

Première cause de mortalité dans les années 80, les maladies cardiovasculaires sont aujourd'hui repassées derrière le cancer. Mais elles restent la première cause de décès chez les femmes.