Des mutations génétiques joueraient un rôle dans le bégaiement, selon des travaux d'une équipe de généticiens américains qui lèvent le voile sur les causes jusque-là mystérieuses de ce trouble qui affecte un pour cent des adultes dans le monde.

Cette étude paraît dans la dernière édition du New England Journal of Medicine datée de jeudi.

«C'est la première fois qu'une recherche met le doigt sur des mutations génétiques spécifiques qui sont potentiellement la cause du bégaiement dont trois millions d'Américains souffrent», souligne le Dr James Battey, directeur de l'Institut national américain de la surdité et des autres troubles de la communication (NIDCD), qui fait partie des Instituts nationaux de la santé (NIH).

«Cette avancée pourrait ouvrir la voie à de nouveaux traitements», a-t-il ajouté.

Des recherches précédentes avaient déjà établi une relation entre des mutations dans deux des trois gènes identifiés dans le bégaiement et d'autres troubles métaboliques rares portant sur le recyclage cellulaire.

Cette étude met au jour le lien entre des mutations dans le troisième de ces gènes et le bégaiement, relèvent les auteurs de ces travaux, des chercheurs du NIDCD.

Le bégaiement a tendance à être plus fréquent dans certaines familles, ce qui laissait soupçonner depuis longtemps une cause génétique à ce trouble.

Une étude faite précédemment par le principal auteur de cette dernière recherche, Dennis Drayna, un généticien du NIDCD, avait déterminé qu'une variation génétique liée au bégaiement se situait probablement sur le chromosome 12.

Pour ce faire, il avait étudié un groupe de familles au Pakistan qui comptaient un grand nombre de bègues.

Dans cette dernière étude, ce chercheur et son équipe ont affiné leurs recherche et identifié des mutations dans un gène appelé GNPTAB affectant les membres bègues des familles pakistanaises.

Ils ont analysé les gènes de 123 Pakistanais bègues dont 46 issus du premier groupe de familles étudié et 77 sans lien familial avec elles ainsi que 96 autres sujets, également pakistanais, mais ne bégayant pas.

Ces chercheurs ont aussi étudié 540 Américains et Britanniques dont environ la moitié étaient bègues.

Ils ont découvert qu'une partie des bègues dans tous les groupes étudiés portaient la même mutation génétique et ont identifié trois autres mutations dans les deux autres gènes chez d'autres personnes qui bégayaient.

Les auteurs de cette étude estiment qu'environ 9% des bègues ont des mutations dans un de ces trois gènes.

Cette équipe de généticiens mène actuellement une étude épidémiologique mondiale pour déterminer le pourcentage de personnes porteuses de l'une de ces mutations.

Ils cherchent à comprendre comment ces anomalies métaboliques affectent les structures dans le cerveau qui sont essentielles pour parler sans bégayer.

Les thérapies actuellement utilisées pour traiter le bégaiement consistent surtout à réduire l'anxiété, à aider le bègue à respirer et à parler régulièrement.

Cette découverte peut représenter un soulagement pour les parents d'enfants qui bégaient, souligne Jane Fraser, présidente de la fondation américaine du bégaiement. «Cette étude montre que c'est biologique. Cela enlèvera le poids de la culpabilité aux parents», a-t-elle déclaré à l'AFP.

«Et pour les adultes qui bégaient, cela va permettre de cesser de les stigmatiser, car on ne pourra plus dire des choses du genre: c'est dans sa tête», a-t-elle souligné.