Elles ont fait un bébé après un cancer du sein: ce qui était considéré il y a quelques années comme une entreprise à haut risque est aujourd'hui une réalité illustrée par une enquête présentée samedi lors du congrès de l'Association francophone de l'après cancer du sein (Afacs).

«C'est un message très rassurant», même si les femmes dans cette situation sont peu nombreuses, estime Anne Lesur, spécialiste du cancer du sein au Centre Alexis Vautrin à Vandoeuvre-les-Nancy en France.

Même si le cancer du sein survient dans la majorité des cas après 50 ans, un âge où a priori ne se pose plus la question de la fécondité, des femmes plus jeunes peuvent être concernées.

«Il y a entre 40 à 50.000 femmes touchées chaque année par cette maladie, 7% ont moins de 40 ans, et parmi ces 7%, on pense qu'il y en a 10% qui vont être enceintes», indique le gynécologue David Elia, vice-président de l'Afacs.

Les femmes faisant leurs enfants plus tard, «on est de plus en plus confronté aux problèmes de femmes qui soit n'ont pas d'enfant, soit ont envie de refaire leur vie et d'avoir un nouvel enfant à des âges où autrefois on n'avait pas ce problème là», explique le Dr Lesur.

L'enquête de l'Afacs a porté sur 209 femmes -moins qu'escompté- ayant eu un cancer du sein et au moins une grossesse ensuite, interrogées en 2006 et 2007. Elles avaient en moyenne 40 ans au moment de l'enquête.

Basée sur une démarche volontaire, cette enquête n'a pas de prétention scientifique, mais «c'est une photographie d'une population», précise le Dr Lesur.

«Il y a une vraie interférence entre le fait de devoir soigner ce cancer correctement, surtout chez une femme jeune où on a plus peur que ça revienne un jour, et le fait que ces femmes ont une demande de fertilité et de grossesse, et qu'il faut qu'on puisse leur préserver», souligne le Dr Lesur.

Au-delà de 40 ans, la chimiothérapie compromet le plus souvent définitivement la fécondité, mais avant 40 ans, l'arrêt des règles n'est en général que temporaire, expliquent les spécialistes. Le tamoxifène (hormonothérapie), en général proposé pendant cinq ans, expose le foetus à un risque de malformations et contre-indique temporairement la grossesse.

«De toute façon, il faut attendre la fin des traitements» avant d'envisager une grossesse, avertit le Dr Elia. Le délai est fonction des caractéristiques de la tumeur.

Dans l'enquête Afacs, les femmes ont eu en moyenne un cancer du sein vers 30 ans et leur grossesse 3 ans et demi après.

«On n'est pas à l'abri d'une récidive, et après, bien malin est celui qui dira si c'est à cause de la grossesse, ou si c'est l'histoire naturelle de la maladie», indique le Dr Lesur.

20% des femmes qui ont répondu au questionnaire de l'Afacs ont eu une récidive, une proportion conforme au taux attendu dans un cancer du sein. Les femmes qui ont un bébé après leur cancer du sein ne prennent pas «un risque supplémentaire par rapport aux récidives», souligne le Dr Elia.

Pour le gynécologue, faire un bébé «c'est une manière de revenir à la vie et finalement de faire un pied-de-nez au cancer».

Un apparent optimisme néanmoins teinté d'angoisse.

«Ce n'est quand même pas simple à vivre», souligne le Dr Lesur, non pas tant par peur de faire quelque chose de dangereux, mais plutôt par crainte de l'avenir. «Elles se disent, comme pour leurs premiers enfants, +pourvu que je sois là pour leurs anniversaires+».

Dans l'enquête, 44% des femmes ont déclaré consulter ou avoir consulté un psychiatre ou un psychologue.