En 1988, un article médical avait fait sensation en faisant état d'une nouvelle tendance: une série d'opérations cardiaques sur 100 octogénaires. À peine 20 ans plus tard, la limite de la chirurgie a encore été repoussée.

Ces dernières années, plusieurs études ont recensé les résultats d'interventions cardiaques sur des nonagénaires et même des centenaires.

 

«Je crois que le record pour un pontage est un patient de 106 ans, explique Jacques Genest, cardiologue au Centre universitaire de santé McGill. Quand j'étais interne, on n'opérait pas de patients de plus de 65 ans. Maintenant ce n'est même pas l'âge moyen. Il n'y a pas de limite d'âge pour une opération à coeur ouvert. Mais on parle plutôt de l'âge physiologique que de l'âge réel: est-ce que le patient a des comorbidités, des problèmes de poumons, de reins.»

Tendance

Des études américaines permettent de quantifier la tendance. Le nombre de remplacements de valves cardiaques chez des patients de plus de 85 ans a ainsi bondi de 34% entre 1997 et 2004 et le nombre d'angioplasties, une opération qui débouche les artères, a plus que doublé.

Cinq centenaires et 1092 nonagénaires ont été opérés à coeur ouvert entre 1997 et 2000 seulement.

L'une des raisons de la hausse de l'âge des interventions cardiaques est la meilleure santé des personnes âgées, selon Anil Nigam, cardiologue à l'Institut de cardiologie de Montréal. «La population vieillit, mais elle reste en relativement bonne forme aussi, dit le Dr Nigam. Les patients âgés sont encore en état acceptable pour une opération. Un patient âgé qui est très hypothéqué, ça ne marche pas, on hésite beaucoup, on essaie des approches non chirurgicales avant.»

Services

L'autre raison, selon le Dr Genest, est l'amélioration de l'organisation des services.

«Avec le diagnostic préhospitalier dans les ambulances, on évite les délais, le patient se fait envoyer à la salle d'opération dès les premières minutes aux urgences si c'est nécessaire. On déclenche une alerte qui mobilise une panoplie de personnel, un peu comme dans les unités de traumatologie. Les risques sont réduits au minimum, ce qui est très important pour les patients âgés.»

Car risques il y a. Une étude de 2005 montre que les octogénaires sont 72% plus susceptibles de mourir après un pontage coronarien et 51% plus susceptibles d'avoir des complications neurologiques.

Par contre, l'hospitalisation ne durait que 3% plus longtemps. L'étude de l'hôpital Good Samaritan, à Cincinnati, portait sur 522 octogénaires, dont les dossiers d'hospitalisation avaient été comparés à 7000 patients plus jeunes.

Une autre étude, qui portait sur 49 nonagénaires ayant subi une opération cardiaque, a néanmoins calculé que leur durée de vie moyenne après l'intervention dépassait cinq ans, avec une qualité de vie comparable à celle des autres nonagénaires.

Le taux de mortalité évolue aussi rapidement: au milieu des années 90, en France, il était de 20% suivant une opération cardiaque chez les nonagénaires, alors qu'à la fin des années 90, aux États-Unis, il n'était que de 12%.